06 décembre 2006

Anomalies de la vision



L’œil est un instrument optique bien imparfait, mais il ne fonctionne pas seul. Si l’on devait faire une comparaison ce serait avec celle d’un logiciel à qui l’on envoie des données et qui les restitue en les intégrant à des modèles préalablement chargés.

Un exemple étonnant. On place une lentille qui inverse l’image devant l’œil d’un observateur. Il voit tout à l’envers mais cela ne dure pas. Après trois jours, il redresse lui même l’image et tout rentre dans l’ordre. Pourquoi ? Parce qu’il sait, par expérience, que ce qui est à droite doit être vu à droite et que ce qui est en bas doit être vu en bas. La connaissance du milieu influencera la vision au point de lui donner une direction. Autre exemple : en théorie, la vision du relief est due à la coïncidence du champ visuel des deux yeux. Or, si l’on cache un œil de l’observateur, il s’adaptera très vite et compensera avec de petits mouvements de la tête qui lui permettront de savoir quel objet est situé devant tel autre. Il rétablira ainsi la notion de relief liée, elle aussi, à la connaissance du milieu qui l’entoure. Ces exemples d’une exceptionnelle adaptation de l’œil sont multiples et concourent à ne plus considérer cet organe comme un instrument optique mais comme un des éléments d’une synthèse que nous réalisons pour percevoir notre milieu environnant.

Il y a fort à parier que nous ne voyons pas, avec l’œil, une droite comme rectiligne. Tous les instruments optiques peinent beaucoup à restituer un quadrillage avec des lignes parallèles et il serait surprenant que l’œil se comporte différemment. Seulement, nous savons que ce quadrillage est constitué de lignes parallèles entre elles et nous finissons par les voir comme telles. Donc nous compensons, psychologiquement, toutes les anomalies optiques de notre système de vision. C’est ce qui explique qu’il existe autant de daltoniens qui s’ignorent. Ils peuvent compenser leurs défauts de spectre par une plus grande sensibilité à la densité des couleurs (plus clair ou plus sombre), par exemple. Cette carence est vite comblée (pas complètement toutefois) et ne représente plus une réelle gêne pour le quotidien. Le test présenté est le plus connu pour déceler la principale forme de daltonisme, mais ce n’est pas la seule. Si vous voyez les chiffres à l’intérieur des cercles, n’en déduisez pas hâtivement que vous n’êtes pas daltoniens mais seulement que vous n’êtes pas affectés de la forme la plus courante de daltonisme.

La vision nocturne est très peu colorée et se rapproche d’une perception monochromatique. Ce sont les bâtonnets de l’oeil, plus sensibles aux intensités faibles de lumière, et non plus les cônes qui sont alors sollicités. Beaucoup d’animaux ne possèdent presque que des bâtonnets, très peu de cônes et ont donc une vision des couleurs assez réduite mais en revanche une vision nocturne très sensiblement supérieure à la nôtre (un ciel étoilé, sans lune, suffira à leurs déplacements en milieu accidenté).

Nous verrons la semaine prochaine comment le chien qui possède une vision de très faible acuité compense cette faiblesse par les autres sens en créant une synthèse avec l’ouïe et l’odorat qui lui permettra d’être aussi performant dans beaucoup de domaines.