Trop d'images tue l'image
Pour la photo précédente ceux qui ont pensé à l’Institut du monde arabe avaient raison. Mais toutefois la photo est à l’envers, histoire de créer un peu de mystère, sinon c’était trop facile vous en conviendrez.
La photo de cette semaine est plus difficile. Parmi les cobayes interrogés, un seul a donné la bonne réponse, mais il ne le sait pas. Il s’agit, là encore, d’une photo brute, sortie telle quelle de l’appareil numérique et sur laquelle aucune intervention n’a été opérée.
Les indices peuvent se résumer en deux mots : festif et caché.
A vous de jouer. Réponse vendredi prochain.
« Trop d’images tue l’image » ou de l’incohérence de discours intellectuels.
C’est un lieu commun qui ressort régulièrement chez les penseurs : on vit entouré d’une avalanche d’images qui nous submergent au point qu’elles se vident de leur sens. Edgar Morin parle « d’obscénité » lorsqu’on dépasse la dose acceptable de visible. Baudrillard a sûrement raison quant au désir qui ne peut s’épanouir dans une totale visibilité, qui doit conserver sa part de mystère, de séduction, de non dit et de non vu.
Mais l’étude de l’histoire byzantine nous enseigne ceci : Les iconoclastes de Byzance, ceux qui oeuvraient pour la destruction des images, allant même jusqu’à persécuter leur détenteurs, les massacreurs des œuvres antiques, ne toléraient que quatre représentations (dont la croix et l’eucharistie), et par la suite plus qu’une seule : l’eucharistie (une représentation qui n’a pas forme humaine). Il faut reconnaître, à leur décharge, que la piété avait pris des proportions inquiétantes. Les « iconodoules » (étymologiquement esclaves des images) confondaient allègrement les objets et leurs représentations. Jugez plutôt :
"Des formes de culte les plus diverses et curieuses commencent à pousser de manière débordante. Des images sont apportées en procession, elles sont lavées liturgiquement, encensées, baisées et ointes. Elles sont vêtues et choisies comme marraines. On jure par des icônes. Des images ressuscitent des morts, guérissent des malades, font des exorcismes et donnent le bonheur d’avoir des enfants. Elles font sécher la main d’un criminel. Elles saignent quand elles sont touchées" [Beck 1980: 68-69].
Face à ces débordements, on avait donc fixé une limite très basse aux représentations, en supposant que l’imagination serait bien préférable au « trop montré ». C’est cela qu’ils professaient les iconoclastes byzantins, voués pourtant aux gémonies par tout penseur contemporain éclairé : la représentation fait perdre de sa force à la chose représentée (surtout quand elle est d’essence divine). A peu près ce que disent aujourd’hui nos penseurs de l’image. L’ambiguïté revient à déterminer quelles limites on se donne… et aussi qui va décider ? Il est sans doute évident que trop d’images tue l’image, mais qui osera réglementer le sens du petit adverbe « trop ». Ces mêmes intellectuels devraient aussi nous dire, dans notre époque de mondialisation et de libéralisme, d’Internet et de pornographie, qui se chargera de la censure ?
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