21 juin 2006

Les transis ou la mort redoutée

Le transi est un type de sculpture qui apparaît au XIVème siècle. Le genre semble aujourd’hui bien sinistre : il représente les défunts dans leur décomposition « avec des vers leur sortant de la poitrine ». Le premier transi connu est daté de 1362, soit quatorze ans après la Grande Peste qui fit perdre à l’Europe le tiers de sa population. « On passe d'une mort acceptée , au sein d'un parcours chrétien attendu, à une mort redoutée, qui n'est plus que le couperet qui nous sépare à jamais de ce monde » (Constantin Simon : La mort). Avec la peste qui toucha tout le monde, sans exception, la mort est passée si près qu’on ne peut plus l’ignorer. L’individu, obsédé par sa propre disparition, imminente et aléatoire, la représente, dans toute son horreur, en insistant même sur les détails crus de ce que le corps est voué à devenir.
Le transi se généralise au XVème siècle et perdure jusqu’aux dernières années du XVIème siècle. Pourquoi cesse-t-il à cette époque ? Les idées de la Renaissance semblent avoir eu raison des obsessions macabres. En devenant maître de son destin, l’homme libéré n’est plus accablé par la fatalité de sa disparition. Pic de la Mirandolle écrivait déjà en 1486 : « l’homme n'a reçu de Dieu ni lieu, ni délimitation, ni tâches fixes, afin de pouvoir s'engager dans n'importe quelle oeuvre et occuper la place qu'il désire ». Il aura fallu presque un siècle pour mesurer pratiquement les conséquences d’un tel discours.
Le cas de Catherine de Médicis est intéressant : elle passe commande à Della Robia en 1565 (24 ans avant son décès) de son transi. Choquée par l’excès de réalisme, deux ans plus tard elle en choisira un autre qui montre un corps beaucoup plus présentable, dans un état de décomposition nettement moins avancé. La représentation peut aider l’homme à accepter son destin, elle peut même servir de thérapie à ses souffrances, mais il faut éviter de tomber dans l’excès... (illustration : à gauche premier transi de Catherine de Médicis)