16 août 2006

Faut-il tout montrer ? : les limites de la mondialisation

La question s’est bien sûr posée au sujet de ces fameuses caricatures de Mahomet que les musulmans , dans leur ensemble, jugeaient insultantes, et que les non-musulmans, en tout cas les média, défendaient comme symbole de liberté d’expression, principe sacré et inaltérable du monde occidental… depuis peu, faut-il le souligner. En gros depuis le virage des années 1970 qui ont correspondu à la fin des dictatures espagnole et portugaise, à la disparition de la censure officielle en Europe de l’ouest, à l’affaire du Watergate en Amérique du nord et, plus généralement, à la prise de pouvoir médiatique dans le monde occidental.

Donc on décide, du moins sur le principe, de tout montrer. Finies les mesquineries, les tabous, les pudeurs, les mensonges. Le monde journalistique se présente comme détenteur de vérité et rien n’échappera aux mots, aux caméras et appareils photo. Le mensonge étatique, soyons en certains, sera bien vite déjoué par ces armadas de justiciers « objectifs », qui ne roulent pour aucun parti ni aucune église.

Très vite pourtant des limites vont s’imposer. Celles d’abord des libertés individuelles : chacun a droit au respect de sa vie privée. Les procès intentés par des « personnalités » aux journaux pour violation de ce principe sont généralement gagnés et les plaignants indemnisés. Il faut savoir qu’un journal « à scandales » ne publie ses « informations » qu’après accord du, ou des personnages cités. Ces journaux parlent même de « collaboration » avec leurs vedettes partenaires. Dans ces milieux de célébrités, chacun sait qu’il vaut mieux entendre parler de soi en mal plutôt que ne rien entendre du tout. C’est un atout majeur pour assurer une puissance médiatique durable : personne ne réussit plus sans son image et le media s’occupe d’assurer sa diffusion.

Ensuite certaines réactions humaines, négatives et discriminatoires, sont condamnées, censurées malgré tout. Le racisme et l’antisémitisme par exemple. Personne ne s’en plaindra et pourtant c’est une restriction de liberté d’expression qui aboutit au politiquement correct : des études dont on ne publie pas les résultats, des idées qu’on tait, un discours stéréotypé (disparition du mot « primitif » pour « premier » pour… plus rien : le quai Branly). Il est à remarquer que l’Angleterre, partisane du communautarisme plutôt que de l’intégrationnisme français n’a pas publié les caricatures, au nom du respect pour les communautés musulmanes.
Enfin les guerres pour lesquelles la censure s'exerce de façon systématique sans que, étrangement, personne ne crie au scandale dans les milieux journalistiques. Les Malouines, la guerre du golfe pour laquelle toute la presse a dû se contenter des miettes qu'on lui jetait depuis les états majors. En bref, l'information, durant toutes les dernières guerres menées par le monde occidental, a été entièrement contrôlée par les pouvoirs en place.

L’idée de tout montrer ne résiste pas à la morale (on le voit avec la vie privée, le racisme et les guerres) et toute communauté en possède heureusement une. Là se trouve la limite de la mondialisation : les sociétés contemporaines ne sont plus unitaires et la morale n’est pas la même selon toutes ses composantes. La « liberté d'expression », par exemple, n’est pas forcément l’idée directrice de tous les modes de pensées contemporains, surtout lorsqu’ils sont imprégnés de religieux (encore davantage de militaire comme on le constate dans nos démocraties). Ce qui s'appelle respecter les différences et il semble difficile de faire prévaloir une pensée unique républicaine dans une société pour qui les idées issues de la révolution de 1789 s'évanouissent un peu plus chaque jour.

Haut gauche : « celui-ci est raciste », haut droite : « celui-ci est antisémite », bas « ceux-ci expriment la liberte de parole ». Tiré du journal jordanien Al-Ghad.