09 août 2006

Le portrait de Mahomet

Comme nous l’avons dit la semaine dernière, le courant chiite de l’Islam (10%) n’est pas aussi rigide que le sunnisme et des représentations de Mahomet jeune circulent en Iran depuis les années 80. Ce ne sont pas les premières et des images du Prophète sont attestées dans l’art ottoman, au XIVème siècle par exemple. D’autre part, si l’absence de représentation dans les lieux saints est respectée depuis le IXème siècle, il en va autrement dans l’espace privé.

Il semble que tous ces portraits récents de Mahomet jeune soient issus d’un seul et même modèle, que seules diffèrent la couleur du fond, des vêtements et la décoration (souvent étoilée) de l’arrière plan. Deux ethnologues et collectionneurs d’images populaires du monde musulman, Pierre et Michèle Centlivres, découvrent, au hasard de la visite d’une exposition parisienne de photographies orientalistes (photographe Rudolf Franz Lehnert) cette photo réalisée en Tunisie (1905) d’un jeune arabe souriant à l’épaule dénudé. Ils font immédiatement le rapprochement avec les portraits de Mahomet jeune. La coïncidence est d’autant plus étonnante que ce photographe allemand, associé à un compatriote, se plaisait à photographier des adolescents maghrébins pour un public bien ciblé. Comme le remarquent les deux ethnologues suisses : «les jeunes garçons pris pour modèles ne laissaient pas insensible une clientèle européenne adepte de «l’amour qui n’ose pas dire son nom». C’est l’époque de l’immoralisme d’André Gide, qui n’a pas hésité à chanter la beauté des jeunes garçons du Maghreb».

Chacun sait qu'il est beaucoup plus facile de dessiner à partir d'un modèle. Le côté bidimensionnel de la photographie est un avantage supplémentaire et l'auteur de cette affiche ne se doutait pas qu'un jour, par hasard à Paris, deux citoyens helvétiques...