La perception des images : un terrain miné
Comment regarde-t-on ? Pas comme on le pense et les images nous ont souvent induits en erreur en présentant comme un ensemble que ce que nous ne voyons que comme des petites parties séparées.
Le champ observé ne couvre que 2 à 3 degrés. Observé ne veut pas dire perçu, et là les mots ont leur importance. On perçoit, plus ou moins, un champ de 180° (un objet en mouvement nous sera « signalé » dans le champ visuel), mais on ne détaille que deux ou trois degrés à la fois. En l'appliquant à un tableau, à une photo de 24 x 30 cm : à 50 cm, on ne scrute qu’un cercle de 2 cm de diamètre, pendant ¼ de seconde (moyenne statistique). Le parcours complet pour cette image demanderait donc une soixantaine de seconde, sans compter les temps de transfert d’un champ à l’autre, champs qui ne sont jamais proches (l’œil n’est pas un scanner). Il est donc évident qu’on ne regarde pas de cette façon, et ce pour des questions d’économie de temps, pour des raisons culturelles (sens de lecture de gauche à droite), pour des problèmes de sens (la plupart des surfaces scrutées ne sont en rien significatives). On en arrive même à des contresens comme par exemple le « avant, après » des lotions qui empêchent la chute des cheveux sera vu « après, avant » par un arabe (la lotion favorisera donc la chute des cheveux).
Un petit test assez significatif :
Quel est le rond vert le plus grand ? Le cerveau fonctionnerait par comparaison : celui du haut parce qu’il est plus grand que les cercles qui l’entourent. Celui du bas est plus petit, parce qu’entouré de cercles plus grands. Pas rationnel tout ça ! Il sont objectivement de la même taille (mesurez sur écran pour en être convaincus). La plupart des erreurs sont le fruit du travail de la reconstruction de l'image. Nous recréons une cohérence là où il n'y en a pas. C'est ce qu'on appelle l'effet de contexte.
Aucune objectivité dans la vision et l'oeil ne se comporte pas comme un instrument optique (qui serait d'ailleurs bien imparfait). A partir de données physiologiques, le cerveau reconstitue un domaine qu'il connaît. On peut même avancer qu'on ne voit que ce qu'on a déjà vu. On ne reconstitue aisément et rapidement que ce qu'on a déjà pu analyser systématiquement, en ayant créé de la sorte une photothèque d'images élémentaires, construite avec les années et l'expérience, photothèque à laquelle, ensuite, on ne cessera de se référer. L'image, indissociable donc de sa propre culture... pour ceux qui en doutaient encore.
"L'hallucination appartient, non à la pathologie de la perception, mais à celle de la croyance". (Jean Delay, Les maladies de la mémoire- Paris PUF 1942)
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