28 février 2007

Ancienne carrière de marbre sous les eaux

Et nous poursuivons dans les abstractions. Cette image est bien particulière et le lieu de prise de vue fondamental pour comprendre l'énigme. Je n'en dis pas davantage, de toute façon vous trouvez trop vite.
La semaine dernière Ju a encore brillé et, par un trait de génie étonnant, a déterminé, non seulement le sujet, mais aussi la marque et le modèle de l'automobile, pourtant repeinte de couleurs originales. Donc, on tournait de 90° horaire et on apercevait une roue arrière de 2CV Citroën.

Image virtuelle : comment une expression perd son sens


On y est de plus en plus confronté depuis son jeune âge pour décrire des mondes de fiction. On s’y casse les dents aux premières leçons de physique en étudiant le miroir. Son sens varie en touchant à la politique et la philosophie.

Image virtuelle: que peut-on dire de cette expression employée aujourd’hui à tout va, par tout le monde, sans que sa définition soit véritablement limpide ?

D’abord la définition de la physique: une image réelle peut être reçue sur un écran. Elle se trouve à la confluence des rayons. Une image virtuelle est simplement perçue par un observateur victime d’une « impression ». Ex : une pièce de monnaie dans une piscine dont on a l’impression qu’elle se trouve en A alors qu’elle se trouve effectivement en B. L’image virtuelle ne correspond pas à une convergence de photons mais à l’idée qu’on s’en fait à travers un système optique quelconque.

Ensuite celle de la philosophie, de la politique: est qualifiée de virtuelle une image n'ayant pas de correspondant actuel (c'est-à-dire dans les faits tangibles), mais seulement une existence dans l'imagination. Virtuel est donc pris au sens d’un « possible », d’un état potentiel susceptible d'actualisation (arbre virtuellement présent dans la graine). On parle aisément d’image virtuelle de la France en 2010 par exemple.
Ce qui contredit la première définition. La pièce de monnaie existe bien réellement, pas seulement dans notre imagination. La philosophie oppose le virtuel à l’actuel (et pas au réel). Seulement, l’image de nous-même dans le miroir est bien actuelle. D’autre part, aucun système optique ne nous donnera une image d’arbre à partir d’une graine.

Enfin, la déferlante d’images de synthèse avec le numérique et le vocabulaire qui s’y est adjoint a donc amené une troisième définition applicable, celle-là, aux espaces virtuels, réalités virtuelles (notons au passage l’étrangeté de l’expression fondée sur deux mots contradictoires) :
est virtuel ce qui a, sans être réel, mais avec force et de manière pleinement actuelle (c’est-à-dire potentielle) les qualités (propriétés) du réel – D. Berthier

En clair le virtuel serait l’imitation, ce qui ressemble à ce qu’on connaît mais qui ne l’est pas vraiment, excluant ainsi tout monde irréaliste, fictif, la quasi totalité des jeux vidéo et des personnages de synthèse (qui sont justement utilisés pour leurs qualités irréelles). Pourtant, lorsqu’on parle de « ville virtuelle », on pense bien sûr à une structure urbaine mais sans ressemblance avec une ville existante précise, bref sans rapport avec une quelconque réalité.

Rassurons-nous, les dictionnaires et encyclopédies s’y perdent aussi :

- « Image virtuelle : Terme impropre (mais répandu) pour une l'image générée par synthèse numérique dont seul le monde défini dans les calculs est virtuel. » Wikipédia, L’encyclopédie libre

- «Le vocable virtuel est aujourd'hui employé à tout propos, souvent sans qu'un sens précis puisse lui être assigné.» Le Dictionnaire

- « Virtuel, (en informatique employé à toutes les "sauces") peut désigner ce qui n'est pas réel ou palpable. Si nous visualisons une image en trois dimensions avec la possibilité de se déplacer à l'intérieur de son contenu, nous effectuons une "visite virtuelle" ». Aidenet.com

- « Image formée par des rayons divergents » Le Robert

Une chose est sûre, l’expression a considérablement dérivé, au point que le mot image est implicitement accolé à l’adjectif virtuel si l’on prend l’ensemble des définitions. Toute image cinématographique, télévisuelle, photographique serait virtuelle. Une nouvelle définition semble pourtant s’orienter, par défaut, vers un synonyme de fictif, imaginaire, puisqu’en informatique et en numérique tout est virtualité. Donc, l’image virtuelle, dernière version, celle des accros de la souris, de la console et de l’écran LCD, serait une représentation d’un monde n’ayant pas, ou peu, de correspondant avec notre bonne vieille réalité. Une définition très proche de celle des philosophes en sorte… et tant pis pour la physique.

Illustration: 1-la vision dans un milieu d'indice de réfringence différent 2-Lara Croft, personnage de synthèse.

21 février 2007

Roue arrière de 2 CV

C'est Ph. B. alias Julius Curtis (que j'ai donc reconnu) qui a trouvé la difficile image de la semaine dernière. Ju n'était pas très loin, Tom assez à côté, et Mini Véga toujours aussi inventive. Un barrage en remblai, c'est-à-dire constitué d'un matériau meuble (barrage du Mattmark en Suisse). Sur l'image, il s'agissait du barrage qui a submergé le village de Kalion en Grèce continentale en 1980.
Un champ moins large cette semaine avec des couleurs flashies d'une association discutable. A vous de voir et de comprendre ce que cache ce détail. Pas trop évident, je dois l'admettre, mais vous m'étonnez toujours.
Pour Ju, la vue d'ensemble du barrage, pour mieux se rendre compte...

L'image vérité III : la star, c'est vous

Il semblerait que la famille soit la première source de modèles chez l’enfant mais que, très vite, il ira chercher à l’extérieur ses figures d’influence. On note aussi que, dès la fin de l’enfance, les personnages fictifs ne sont plus des objets d’identification. Les deux domaines de prédilections des adolescents sont le monde du sport et celui de l’art, au sens large, principalement représenté par la musique et le cinéma. Selon Edgar Morin, les héros, à travers leur double nature, divine et humaine, opèrent la circulation permanente entre le monde de la projection et le monde de l’identification (E. Morin, Les stars. Paris Seuil 1957). Il dit encore que c’est parce qu’on s’identifie au héros qu’il devient héros à nos yeux.

Comme on l’a bien compris dans les magazines « people » l’heure n’est plus aux stars drapées dans leur dignité, vissées sur un piédestal comme le furent jadis Rita Hayworth ou Greta Garbo, assimilées à une inaccessible divinité. C’est peut-être là le grand virage médiatique du XXème siècle : une distance trop grande est incompatible avec une projection du public vers son adoration. Le portrait idéalisé, peint ou retouché, n’intéresse plus personne. On le trouve figé, inexpressif. Il est devenu indispensable que le héros reste dans les limites de l’humain, avec ses faiblesses et ses défauts.

Passée la petite enfance, difficile de se prendre pour Superman ou Harry Potter. Pour se projeter il faut donc s’identifier et la photographie devient l’outil indispensable en jouant, une fois encore, le rôle réaliste qu’on attend d’elle : le personnage existe vraiment, et de plus il nous ressemble, mais il possède des attributs que nous n’avons pas et en cela nous l’admirons. Comme si on avait besoin de rêver mais qu’il fallait que le rêve demeure dans les limites du raisonnable. Un rêve qui, par un très heureux concours de circonstances, aurait même des chances de se réaliser. Quoi de mieux que la photographie « réaliste » pour rendre humains et proches ceux qui pourraient passer pour divins (les familles royales) ou trop éloignés (célébrités confinés dans des univers clos et surprotégés)? Quoi de plus efficace que ces instantanés volés qui montrent des personnages oniriques dans une attitude peu glorieuse ou même défavorable pour anéantir la distance qui s’étend entre eux et nous ? L’image opère alors un nivellement, en insinuant au spectateur qu’il pourrait lui-même devenir le héros si…

Il est intéressant d’étudier l’attitude d’une star soudain démunie de ses pouvoirs. L’identification acquise mais la projection du public disparue. On les reconnaît dans la rue, mais sans aucune référence à leur présent. Les auras envolées, il ne reste plus qu’une enveloppe familière dénuée de sens. Beaucoup de footballeurs célèbres tournent mal (toxicomanie, dépressions), les acteurs peinent à décrocher, beaucoup de suicides chez les chanteurs. En règle général, la star supporte mal son déclin. Le public la remplace immédiatement et ne fait que précipiter la dégringolade.

La recette de la représentation réaliste est vieille comme le monde. Les religions l’ont utilisée abondamment. Jésus, auteur de miracles, et en même temps homme, si humble sur les représentations, torturé sur la croix. En même temps anéanti comme un pauvre hère, mais ressuscité au troisième jour. Bouddha, si riche mais reniant ses privilèges pour se mêler au bas-peuple. Une image de nous-mêmes, mais avec des pouvoirs en plus. Pourquoi, dans les religions contemporaines, autant de messies, prophètes et aussi peu de Dieux représentés? Pourquoi utilise-t-onsi si fréquemment l’image de l'intermédiaire à forme humaine (Jésus, Mahomet, Bouddha) si ce n’est pour enclencher le phénomène d’identification et transmettre les idéologies? On s’égare… Toutefois la photographie a remplacé le portrait en adjoignant à la représentation un statut de preuve irréfutable indispensable à une bonne assimilation. Et il semblerait, à travers les âges, que le genre humain ait un besoin profond de s’identifier à ses héros. Toute la médiatisation contemporaine, en prenant pour témoin la photographie et le réalisme qui l’accompagne, consistera à mettre en place des modèles crédibles, adaptés à chaque tranche d’âge, capables de séduire un public de plus en plus large, demandeur et acheteur infatigable.

En cliquant sur ce lien, vous constaterez que la star, c’est vous…

http://www.ooprint.fr/voici/

Illustration : Nicole Kidman et Keith Urban "après la nuit de noce" (tabloïd italien)


14 février 2007

Barrage en Grèce centrale



C'est encore Tom qui a découvert le pot aux roses : un autobus londonien à impérial, la nuit par temps de pluie. Ce doit être la proximité de l'Angleterre qui a joué. Mais vous devez commencer à me connaître et en retournant l'image il me semble que la solution devenait évidente... Ce qui n'est pas le cas cette semaine, on peut tourner sans être plus avancé pour autant, si je puis dire. Ne pas croire à un montage, à un changement de couleur, tout est vrai de vrai garanti. Et la réponse vous surprendra je crois. A vos claviers !!!

L'image vérité II : le poids des mots, le choc des photos


Appelons-la comme on veut, la presse à scandale, à sensation, people, ces publications hebdomadaires sont lues par 20 millions de Français. Paris-Match imprime deux fois plus d’exemplaires que Le Monde. Il faut savoir que le public, n’ayons pas peur de le dire, est féminin à 75%, tous niveaux sociaux confondus. Ensuite qu’il est, en rapport à la pyramide des âges, presque représentatif de la population française. Voici pour les plus jeunes (51,5% moins de 25 ans), Point de vue pour les plus âgés (57% plus de 50 ans). Bref, cette presse est lue par tous. Elle ne se conçoit pas sans image fixe et n’est pas encore tellement concurrencée par la télévision qui, pour des raisons historiques de service public, ne s’intéresse pas trop (fort heureusement) à ce créneau-là. Tous les photographes d’agence le disent clairement : «le people, il n’y a que ça qui paie». Toutefois les ventes de ces hebdomadaires ne sont pas stables et varient presque du simple au double en fonction du titre de couverture (Paris-Match : «Mazarine sur le Pont Neuf» 616000 ex., «pilotes français prisonniers des Serbes» 383000 ex.).
Parmi les sujets traités, deux retiennent l’attention par leur succès inaltérable et leur étonnante récurrence : la famille d’Angleterre et la famille de Monaco. A elles deux, elles font une couverture de Paris-Match sur cinq en moyenne, avec des pointes les années fastes (17 couvertures sur 52, une sur trois en 1992). Avec cette presse, on peut parler d’un véritable phénomène social de la fin du XXème siècle.
Le pourquoi de ce soudain engouement pour les vies princières est à chercher dans plusieurs directions :
- Les stars nous sont proches et nous les aimons. «A travers elles, auxquelles nous nous sommes identifiés, nous menons une vie… que nous n’avons pas les moyens de vivre. Il nous manque la beauté, l’argent, la gloire, la force, le talent. Avec elles, nous vivons par procuration une vie interdite, le luxe, le libertinage, le cosmopolitisme, la fête, l’exploit sexuel.» Albert du Roy Le carnaval des hypocrites - Seuil 1997
- S’accommoder d’un manque : «Les médias contribueraient à combler le fossé toujours plus profond entre la multiplication des besoins et la possibilité de les satisfaire» Francis Balle, Médias et Sociétés - Montchrestien 1990
- Certains parlent même de thérapie : «Les craintes et les humiliations, l’agressivité inemployée, la sexualité refoulée y trouvent des occasions toujours nouvelles d’une évasion sans risque, aussi savoureuse que la fiction mais possédant un attrait supplémentaire dans son authenticité […] Toutes les frustrations sociales peuvent être transférées grâce à l’alibi du journal.» Bernard Voyenne La presse dans la société contemporaine – Armand Colin 1966, ou encore : «Elle (la presse people) opère ainsi à la libération de nos propres tendances ; elle nous permet de projeter notre culpabilité sur d’autres. Surtout, elle limite les impulsions agressives.» Roland Cayrol, Les Médias - PUF 1991.

Au premier abord, il semble que la photographie, sans laquelle ces journaux n’existeraient pas, apporte son statut de vérité à des histoires qu’on pourrait croire inventées de toutes pièces. Mais on demeure surpris, en creusant le sujet, de constater que si les images de ces stars se vendent si cher, le public n’a que faire de la véracité des textes qu’on leur adjoint : «Demande-t-il (le public) la vérité? L’expérience montre qu’il ne s’en soucie guère. Les journaux à sensation sont plein d’extravagances, d’élucubrations, de divagations, de contradictions et ils n’en pâtissent pas.» Albert du Roy, ibid. En clair, peu importe que les frasques princières soient avérées, l’important reste que celle qui s’est identifiée à Stéphanie les vive par procuration et que les images simplement suggèrent un monde que la lectrice se construira toute seule.
Comme si l’image jouait un simple rôle d’identification du lecteur (rice), mais qu’ensuite l’histoire devait devenir une pure fiction, verser dans le conte de fées le plus générateur d’illusions, comme si l’imaginaire né à partir des représentations satisfaisait à lui seul une demande d’idolâtrie… comme si, contrairement au slogan de Paris-Match, les mots n’avaient plus vraiment d’importance et que, comme pour les enfants, les images suffisaient à faire rêver.

07 février 2007

Autobus londonien à l'envers



Après une photo de Ju, en voici une de Minivéga. Je profite de ce message pour inviter les lecteurs de ce blog à m'envoyer leurs contributions, s'ils pensent détenir une image qui pourrait s'intégrer à la rubrique "photo de la semaine". Je donne mon adresse mail à cette occasion :
philippe.collet @ efa.gr
La semaine dernière, l'Ami Calmant avait envoyé la photo du pilastre d'une église (Saint Césaire d'Arles), creusé par le ravinement des eaux de pluie. Tom s'est trompé d'église mais pas de monument, ni de matériau et c'est à lui que revient la découverte d'une énigme pourtant assez difficile (à mon sens, bien sûr). J'attends donc vos expériences picturales pour le futur du blog et vos propositions pertinentes pour la photo de cette semaine.

L'image vérité I : Les micros-trottoirs

Nous entamons aujourd’hui une série qui traitera de la principale qualité dont on crédite, encore aujourd’hui, la photographie et par extension la télévision : l’établissement d’une preuve et donc l’énoncé de vérité.
Le micro-trottoir en est la plus perverse des manifestations.
D’abord, ne pas croire que l’image soit l’accessoire de ce qu’on pourrait prendre pour un exercice oral. Comme l’explique un journaliste de la télévision canadienne :
« Plus personne aujourd'hui n'a peur de se faire interviewer "à la radio" … les gens ont apprivoisé le son/micro notamment via le téléphone et le son/radio via les tribunes téléphoniques… Ajouter une caméra (pour la télévision) au micro-trottoir et plus personne pour oser affronter la situation. Les gens ont encore peur de l'image comme certains de nos ancêtres, jadis, avaient peur de se faire "voler leur âme". C'est dire quel mythe entoure encore aujourd'hui la prise d'images (vision) à distance (télé) ...! ». Il y a de bonnes raisons de penser que l’image renforce l’argument lexical. Un discours oral reste anonyme tant qu’un visage n’y est pas associé (visage tout aussi anonyme mais qui donne l’illusion de proximité et de réalisme). Certaines chaînes inscrivent même maintenant, en sous-titre, le nom des inconnus interviewés par leurs journaux télévisés.
Ensuite, comme le dit Daniel Schneidermann : «On tend le micro au peuple, avant de sélectionner soigneusement ses réponses en fonction de ce que l'on pense qu'il devrait penser ». C’est-à-dire que sous couvert d’image vérité, on fait passer une opinion choisie (avec l’image c’est bien plus convaincant) pour l’opinion dominante et ce faisant on parvient à moduler la pensée de toute une société qui n’y prend pas garde. Comme le rappelle Pierre Bourdieu : «Première leçon de tout enseignement sur les médias : le montage peut faire dire n’importe quoi à des images.»
En s’interrogeant sur le bien-fondé de ces interviews, on est souvent frappé par le caractère médiocre et identique des réponses. Ne pas oublier que, le plus souvent, on ne connaît pas les questions posées et comme le remarque une enquête de Sociologie des Médias : «Souvent, la précision et le manque d'intérêt des questions conduisent à des réponses peu approfondies.»
Prenant l’exemple d’une inondation, et sans connaître les questions, on est accablé de n’entendre que des « c’est la première fois que je vois ça », ou encore de suivre l’interviewé qui montre (justification de l’image) le niveau des crues passées.
Des automobilistes coincés dans un embouteillage (départs en vacances, intempéries), la vitre ouverte (en plein hiver cela surprend toujours, mais on doit les entendre) : «il faut être patients, qu’est-ce qu’on peut y faire…». Ces pauvres mots pourraient résumer la teneur de tous ces reportages en de telles circonstances. Posons toutefois le problème à l’envers : en écoutant les réponses, devinons quelle est la question posée à ces pauvres automobilistes dépités. Imaginons la scène : un animateur, 100m en amont, qui demande l’accord de l’automobiliste, lui glisse quelques mots, lui demande de baisser la vitre. Maintenant, je vous laisse le soin d’imaginer la question intelligente et originale qu’il peut formuler, juste avant que l’interviewé n’entre dans le champ de la caméra. « Cette habitude de toujours tirer le débat vers le bas… cette attitude relève d'une conception totalement méprisante d'un "téléspectateur moyen" abruti et borné, incapable de réfléchir et qui ne peut suivre qu'un débat prémâché ne décollant que rarement du ras du sol. » Sociologie des Médias. La revue Tocsin souligne :« De fait, ces reportages sont trop souvent présentés comme des photographies de l'opinion publique. Ils n'en sont pourtant qu'une illustration plus ou moins honnête. Leur valeur informative est quasi nulle. »

Il y a donc lieu de se poser la question des responsabilités de ce qu’on peut appeler la dérive de l’information axée sur cette habitude médiatique. Pourquoi les responsables des chaînes insistent-ils avec ces pratiques ? La première réponse qui s’impose : pour fournir un justificatif de ce que pense le journaliste qui utilise l’argument de l’opinion (c’est-à-dire faire croire que trois personnes, pas même prises au hasard, représentent une large collectivité dotée d’un avis unitaire sur la question). La seconde qu’on peut envisager est encore plus malsaine puisqu’elle renvoie le spectateur sur sa propre image en lui montrant, par un choix qui se veut aléatoire, donc représentatif, que cette opinion majoritaire est la sienne : il vient de l’exprimer par la bouche de ces témoins, anonymes, mais qui existent cependant, comme l’image nous en donne confirmation. Le micro-trottoir ce serait ainsi une définition possible de la démagogie.
Illustrations : Micro-trottoir en Roumanie et à Genève (Suisse)