31 janvier 2007

Pilastre de l'église St Césaire (Arles)

Une photo de Ju, l'Ami Calmant, cette semaine. L'image n'est pas trop recadrée pour vous laisser une petite chance de découvrir de quoi sont composées ces formes étranges. La semaine dernière, comme prévu, il n'aura fallu qu'une petite heure pour que le cygne de Hyde Park soit identifié... et puis cette semaine, Ju ne participe pas au concours, ce qui vous laisse toutes vos chances.

Les paparazzi ou le mal consenti


A la suite de la photo mystérieuse de Mitterrand sur son lit de mort, un petit article sur ce qui peut être considéré, à première vue, comme une plaie pour les célébrités : les paparazzi.

Le mot ne s’emploie qu’au pluriel. Il provient d’un film de Fellini La Dolce Vita dans lequel le photographe d’un journal « people » se nomme Paparazzo.

Toutes les stars ou presque s’en plaignent : atteinte à la vie privée, insupportables filatures, responsables de la mort de Lady Diana, etc. Quand on y regarde de près, les premières impressions peuvent ne pas être toujours les bonnes.
Dans la majorité des cas, un article dans un journal « à scandales » est le fruit d’un contrat entre le journal et la vedette représentée signé par l’intermédiaire d’un agent. La vedette a droit de veto sur les images et touche généralement un pourcentage sur les ventes en échange de l’exclusivité pour le journal (mariage de J.P. Belmondo). Les choses se gâtent parfois quand un indiscret s’invite à la fête et revend à un autre journal des photos volées. La vedette l’attaque alors pour « atteinte au respect de la vie privée » alors que cette même vie privée est divulguée sous contrat juteux dans un autre magazine.
Les photos volées sont, elles, une véritable atteinte à la vie privée, quand elles sont prises dans un cadre privé et non professionnel. Notons que la vie privée est, en France, une des mieux protégées au monde du point de vue législatif. Les vedettes intentent des procès qu’elles gagnent toujours (99% des cas) en encaissant des dédommagements très conséquents, mais sans jamais toutefois attaquer le photographe au pénal, ce qui serait plus dommageable pour l’accusé (si l’on veut vraiment s’en débarrasser) mais beaucoup moins lucratif pour la vedette. Les journaux connaissent la procédure et incluent le prix du dédommagement dans celui de la photo. Cela devient une sorte de jeu dont tous les acteurs connaissent les règles par coeur, jeu qui reste bien entendu très lucratif pour tout le monde (journal, vedettes et photographes).
Il y a un troisième cas contre lequel il est surprenant que les associations de consommateurs ne se soient pas élevées : celui des fausses photos volées. Un journal fait croire à ses lecteurs que le reportage a été pris à l’insu des personnages photographiées (images floues, mal définies comme très recadrées, très longues focales), alors qu’il s’agit en fait d’une mise en scène. Un contrat a préalablement été établi et les vedettes sont intéressées aux bénéfices. On peut alors parler d’escroquerie ou même d’abus de confiance.

Quelle que soit la sympathie ou l’antipathie développée face aux paparazzi, certaines vérités restent indéniables :
-Les vedettes ont besoin qu’on parle d’elles, même en mal parfois, pour exister.
-Il y a une grande hypocrisie à se prétendre harcelé tout en signant des contrats avantageux avec des journaux à scandales qui dévoilent sa vie privée.
-Dans tous les cas de figures, le personnage photographié émerge financièrement gagnant, soit lorsqu’il signe un contrat avec le journal, soit lorsqu’il attaque la publication pour atteinte à sa vie privée.
Conclusion : avant de faire tenir aux paparazzi le rôle de bouc émissaire, interrogeons-nous plutôt sur le pourquoi de cette profession et la chaîne de bénéfices qu’elle draine dans son sillage… également sur la pérennité d’une pratique que personne n’a jamais vraiment souhaité éradiquer.

Illustration : La Dolce Vita (Federico Fellini), Tazio Secchiaroli (Paparazzo)


24 janvier 2007

Cygne endormi


Grande surprise la semaine dernière puisque Ju, l'Ami Calmant, a découvert dès le premier jour, contre toute attente, le bâtiment auquel appartenait ces colonnes (car il s'agissait d'un détail de colonnes). L'architecte Claude Nicolas Ledoux, à la fin du XVIIIème siècle, imagina une esthétique des structures industrielles qu'il construisit sur le modèle des châteaux et des bâtiments publics prestigieux. La saline royale d'Arc-et-Senans (terminée en 1779) en est la parfaite illustration. On peut seulement regretter que ses successeurs n'aient pas été animés de la même flamme en se compromettant à construire des bâtiments, obéissant uniquement à des impératifs de rentabilité et d'économie, qui défigurèrent la périphérie de presque toutes les grandes villes françaises.
Facile cette semaine, après l'introuvable de la semaine dernière. J'attends la bonne réponse dans l'heure qui suit. Tous sur les starting-blocks.
Illustration : Saline royale dArc-et-Senans (Franche-Comté). La photo montre un détail des colonnes frontales.

La célèbre photo que personne n'a prise


Le thème a resurgi dans un article du Monde la semaine dernière : la photo de François Mitterrand sur son lit de mort. Comme nous l’avons constaté dans plusieurs articles précédents, il est coutumier de conserver une trace des puissants, soit avec un masque mortuaire (depuis l’Egypte ancienne jusqu’à Bruce Lee en passant par Shakespeare, Napoléon, Voltaire, plus récemment Bertold Brecht, Hermann Hesse, James Joyce) soit avec des photographies sur le lit de mort (Proust par Man Ray et Victor Hugo par Nadar), images de défunts qui jouèrent ensuite, socialement, le rôle de masque mortuaire bon marché.
« Le XIXème siècle ne cherche pas à se débarrasser des morts, il y voit des êtres sociaux actifs, engagés dans le présent.» G. Charuty. C’est au XXème siècle que les mentalités par rapport à la mort se transforment. On trouve encore dans la biographie du peintre Pierre Molinier : « En 1918, depuis longtemps amoureux de sa sœur cadette, il la photographie sur son lit de mort ». Et puis la mort devient tabou, pas montrable. En parler devient irrespectueux. On trouve aujourd’hui dans l’interview d’une photographe :
« Quelle est "la" photo que vous n'auriez pas aimé faire, pourquoi ?
Photographier la mort. Ma mère sur son lit de mort lorsque j'étais enfant m'a beaucoup marquée. Photographier des accidents de la route, je n'en serais pas capable. Trop émotive sans doute. »

Paris-Match publie donc, sans l’accord de la famille et des proches, la photo de François Mitterrand sur son lit de mort. L’affaire fait grand bruit. Une plainte déposée, une enquête de police menée. Peu de personnes ont été admises dans la chambre mortuaire, uniquement des proches. Comme dans les meilleurs romans policiers, le coupable se trouve parmi un nombre restreint de suspects bien connus et répertoriés. Certains amis soupçonnés rentrent en disgrâce (Claude Azoulay, photographe officiel du Président). Le rédacteur en chef du journal, Roger Thérond, un des seuls à connaître l’identité de l’auteur de la photo, meurt en 2001 et emporte le secret avec lui tout en blanchissant Azoulay. Le journal est condamné au Franc symbolique. Aujourd’hui, onze ans plus tard, le mystère demeure entier.
Que penser de ce fait divers? Beaucoup de questions surgissent.
D’abord pourquoi, étrangement pour un personnage aussi public, et qui a tout fait pour l’être, la mort demeure-t-elle cachée? Est-ce une volonté du Président, de sa famille, comme pour préserver un soupçon d’intimité d’une vie dont chaque Français connaissait pourtant les détails? En résumant, pourquoi une existence aussi publique génère-t-elle une mort aussi privée?
Ensuite, pourquoi l’auteur du cliché conserve-t-il l’anonymat? Pour ne pas déplaire à la famille? Parce qu’il se sent coupable d’avoir trahi les volontés du Président, honteux d’avoir encaissé un gros chèque au mépris des règles de décence? Il n’aurait pourtant pas grande chance d’être poursuivi par la justice mais préfère toutefois l’anonymat plutôt que d’encaisser de conséquents droits d’auteur.
Enfin pourquoi cette photo fait-elle doubler le tirage du journal? Les lecteurs veulent-ils s’assurer de la disparition? Le côté « dernière image » joue-t-il le rôle symbolique de la fin de l’histoire? Cette image controversée est-elle la preuve du rapport ambigu qu’entretient l’homme contemporain avec la mort : en même temps elle l’effraie mais aussi elle l’attire irrésistiblement… du moins en images?

Illustration : Sépulture de François Mitterrand à Jarnac

17 janvier 2007

Colonnes de Nicolas Ledoux (Arc-et-Senans)

C'est Ju, l'Ami calmant, qui a donné la bonne réponse, le premier jour, à ma grande surprise dois-je dire. Les traces de café ont parlé, j'aurais dû les nettoyer à coups de tampon Photoshop mais je ne trafique pas les images.
La photo de cette semaine doit être aussi dans les cordes de l'Ami calmant. Il faudra donner le lieu de prise de vue, c'est important, pour ne pas dire essentiel. Ainsi, vous aurez le loisir de chercher un peu, de fouiner dans des bouquins d'art, c'est toujours enrichissant... Cette semaine, je ne m'attends pas à une bonne réponse le premier jour (ne me faites pas mentir...). Je tire par avance mon chapeau à celui ou celle qui sera assez perspicace ou curieux ou chanceux pour resituer une image pareille. Un élément pour aider un peu : c'est très connu (bien maigre l'élément, certes).

Le cinéma et l'avion

L’idée de la comparaison est d’Edgar Morin dans son ouvrage Le cinéma ou l’homme imaginaire (éd. De Minuit).

La même année 1895, les frères Lumière présentent leur premier spectacle cinématographique dans un café parisien et Otto Lilienthal prend son envol avec des ailes sur le dos, un an avant de se tuer en planeur. A la différence des frères Lumière qui ne croient pas en leur cinéma pour un autre usage que scientifique ou encore comme attraction foraine, les précurseurs de l’aviation concrétisent enfin le rêve de toute l’humanité depuis l’Antiquité : voler. Le mythe d’Icare devient réalité tandis que la réalité en mouvement (La sortie de l’usine Lumière) se fixe sur une pellicule devant seulement 35 spectateurs payants au Grand Café, Boulevard des Capucines. Le film se termine symboliquement par la fermeture du portail de l’usine comme pour ébaucher la fin d’une histoire qui n’en est pas une.

Qu’en est-il plus d’un siècle après ? On prend l’avion comme on prend l’autobus, sans même se soucier de ce qui défile à l’extérieur du hublot. L’avion, c’est un lieu commun, a réduit les dimensions terrestres en nous projetant en quelques heures d’un bout à l’autre d’une planète qui, à force de communication, devient unitaire. Il fait désormais partie de notre quotidien, s’est banalisé au point d’en devenir ennuyeux.
Le cinéma prend son envol dès l’année suivante, 1896, pour ne plus jamais regagner la terre ferme. Rapidement les frères Lumière envoient des opérateurs dans le monde entier, le Grand Café fait salle comble tous les jours. Très vite Méliès invente les trucages, la mise en scène d’anecdotes. Le rêve cinématographique est né. Il captive aujourd’hui des milliards de spectateurs du monde entier (1,5 milliard par an, rien qu’aux Etats Unis), venus se remplir les yeux des images de plus de 15000 productions annuelles. Le cinéma connaît, 110 ans après le Grand Café, un succès tel que les frères Lumière ne l’auraient pas même imaginé. Il touche toutes les cultures et tous les peuples, avec des chiffres étonnants comme ces 450 films produits par an aux… Philippines (à titre de comparaison Etats Unis 385, France 183), ces cinq milliards annuels de spectateurs indiens contraints de réserver leur place longtemps à l’avance pour avoir une chance de voir un des 620 films nationaux (95% des films projetés). L’homme s’est donc bien vite lassé de voler alors que son intérêt pour les images et les histoires, vraies ou pas, n’a cessé de croître sans marquer le moindre signe d’essoufflement.
Une conclusion bien tentante, presque une évidence, serait de constater la mort imminente des rêves lorsqu’ils deviennent réalités, tout en observant que les réalités peuvent, pourvu qu’on les mette en scène, se métamorphoser en rêves aux attraits inépuisables.

Illustrations : Premiers envols de Lilienthal 1895, La sortie des usines Lumière 1895

10 janvier 2007

Percolateur pour expresso domestique (détail)

C'est Camille qui a trouvé l'énigme de la semaine dernière, en évoquant des souvenirs assez proches, je suppose. Une mode qui consiste à reconstruire des manèges avec des éléments anciens comme les chevaux de bois. On peut aussi en voir des exemples à Paris, pour satisfaire les petits, tout en envoyant des bouffées de nostalgie aux grands.
Ce n'est pas un jeu pour enfant avec des boules, ni un golfe miniature cette semaine. Un objet courant que vous possédez presque tous pourtant, pas forcément avec la même forme. Creusez-vous un peu les méninges, la photo est à l'endroit, pour une fois...

Apprendre à voir le monde

Un peu de philosophie cette semaine, en rapport avec l'image tout de même. Que les lecteurs se rassurent, ce type d'article restera exceptionnel.
« Il est vrai à la fois que le monde est ce que nous voyons et que, pourtant, il nous faut apprendre à le voir ». Merleau-Ponty le visible et l’invisible éd. Gallimard
Cette dernière œuvre de Merleau-Ponty, inachevée, découverte après sa mort en 1961 a été largement commentée, en particulier par Claude Lefort qui y relève les paradoxes de la perception selon le philosophe
a) Elle implique la foi dans le monde et simultanément pour chacun l’expérience est sienne
b) Pouvoir d’accéder au monde et de me retrancher dans mes fantasmes
c) La perception enseigne une proximité absolue au monde et une distance irrémédiable
d) Enfin la perception me heurte au mystère d’autrui car la chose perçue par autrui se dédouble devant celui qui la voit : celle qu’il perçoit est celle que je vois hors de son corps et que j’appelle chose vraie.

Nous ne nous intéresserons ici qu’aux deux premiers paradoxes en essayant de les commenter. La vision est donc ce qui permet d’obtenir une base commune nous permettant de communiquer, et en même temps elle est propre à chacun d’entre nous. Là se trouve, selon Merleau-Ponty, le paradoxe : la vision se situerait entre le commun et l’individuel, sans que l’on sache précisément où commence la part de l’un et où finit celle de l’autre. Un exemple : nous avons appris, depuis notre enfance, ce qu’était un château. On peut donc en parler avec les autres et on peut croire qu’il est question de la même chose, mais lorsqu’il s’agit de le dessiner (le dessin n’est en rien un bon exemple d’objectivité), chacun trace des contours différents. Dix peintres devant le même bâtiment donneront dix toiles radicalement différentes, même objectivement cette fois si l’on prend en compte la myopie de l’un, la presbytie de l’autre. Chaque image est personnelle et en même temps commune aux autres, une base pour notre système de langage qui consiste à nommer les choses, les décrire et une perception individuelle pour le couple œil-cerveau qui nous permet d’appréhender notre environnement en y superposant notre sensibilité et notre connaissance.

« Apprendre à voir le monde » selon Merleau-Ponty, ce serait peut-être associer des idées à des impulsions visuelles électriques. Il se trouve que les unes ne vont pas sans les autres. On a l’idée d’un château d’après les impulsions visuelles qu’on a pu recueillir devant le monument. A partir de cette base, le château peut évoquer des milliers de scènes, de souvenirs, de fantasmes différents (paradoxe b). De même on ne conçoit pas la sensation visuelle sans tout l’imaginaire qui l’accompagne parce que nous sommes des êtres pensants, remplis de souvenirs, de rêves et que nous avons, depuis notre tendre enfance, associé les sensations optiques à des pensées.

Il n’y a peut-être pas tant de paradoxes finalement. La vision pourrait être une sensation optique commune (en supposant un même œil) accolée à des idées personnelles qui différent légèrement, pas assez pour qu’on ne sache plus de quoi on parle, mais suffisamment pour affirmer une personnalité individuelle. Ce n’est toutefois qu’une proposition, le débat reste ouvert, bien entendu. Illustration : de haut en bas Marion, Jonas, Sarah

04 janvier 2007

Manège de chevaux de bois

Pas d'article cette semaine pour cause de vacances. C'est fou ce qu'on est occupé pendant ses congés. La semaine dernière donc, un poteau télégraphique enduit de goudron avec des initiales d'identification. J'en ai parlé dans les commentaires. Aujourd'hui, et avec une journée de retard, une image floue et mouvante. Il s'agira de savoir ce qui peut bien remuer comme ça avec tant de couleurs... Allez, un petit effort, nous sommes dans le domaine du trouvable, histoire de bien commencer l'année.