21 juin 2007

Rouleau de Sopalin dans une cuisine

Ah ah, cette semaine encore avec du retard pour cause d'excès de travail (eh oui, cela arrive parfois) une énigme qui ne devrait pas être trop difficile pour les fins limiers que vous êtes (devenus). Je sens que Ju brûle d'envie de se racheter de sa déconvenue de la semaine dernière, que Zuip veut concrétiser son avantage pris avec l'horloge comtoise, que Marsyas aimerait bien trouver la réponse juste du premier coup, un encouragement pour Laurette qui est tombée à côté la première fois mais la chance peut tourner. Ah, oui, j'oubliais, Mini est hors concours, j'ai fait la photo devant elle... Pour la semaine dernière, bravo à Zuip tout de même. La solution fut longue à se dessiner mais patience et longueur de temps... Bon, je donne la photo de l'énigme du sticker, il y a deux semaines... je me demande si vous serez plus avancés avec ça.

20 juin 2007

Photogénique: mot étrange pour idée floue



En 1839, pour Louis Arago, photogénique veut dire « qui produit de la lumière ». Le sens dérive très vite et en 1869 le mot signifie : « qui donne une image nette en photographie ». Le mot scientifique d’Arago, même s’il a perduré, n’est plus guère usité et aujourd’hui l’adjectif s’applique à une personne « dont le visage produit sur la photo ou sur l’écran un effet supérieur à l’effet naturel » Larousse étymologique.

Evolution intéressante, inversion sémantique puisqu’on passe en un siècle de « qui produit de la lumière » à « que la lumière produit ». Et le vocable « photo » est pris, par erreur, pour photographie (au lieu de lumière) et entraîne les dérivés comme cinégénique ou télégénique.

Si le mot est donc bien étrange, l’idée contemporaine qu’il engendre embarrasse ceux qui y sont confrontés. Ecoutons les témoignages des intéressés, aucun ne risque une explication rationnelle :

Isabelle Huppert

"On peut certes rendre la photogénie plus ou moins efficace, en fonction de ce qu'on comprend ou pas de la lumière. Mais c'est une donnée absolue. [...] Il ya beaucoup de gens photogéniques. Ce n'est évidemment pas pareil en photo et au cinéma. On peut être photogénique et moins cinégénique, l'inverse est moins vrai."

Lisa Giger (agence de mannequin Time)

"Bien des femmes, très belles en chair et en os, ne donnent rien en photo. A l'inverse, les top-modèles ont quelque chose de plus que la beauté, quelque chose qui ne se révèle qu'à l'image"... mais elle se garde bien de dire quoi, de l'ordre de la sensation, indéfinissable: "Un bon mannequin a des yeux qui racontent des histoires" ajoute-t-elle.

En suivant la piste de cette dernière phrase, qui fait écho à celle du photographe Stéphane Martinelli : «la photogénie se joue en grande partie dans le regard» on peut avancer que la photogénie pourrait se confondre avec la séduction, en devenant le penchant à fantasmer à partir d’une représentation. On peut même élargir la notion de photogénie. On parle de paysages photogéniques, d’objets photogéniques, c’est-à-dire aptes à donner une image en deux dimensions flatteuse, c’est-à-dire qui corresponde à une idée esthétique qu’on s’est forgée à travers notre culture visuelle, une image capable d’enclencher des souvenirs, des relations étroites avec un vécu, ou encore une projection dans un environnement idéal.

D’un point de vue plus scientifique, la photogénie d’un individu tient surtout à la géométrie. Plus un visage (ou un corps) tend vers une symétrie parfaite (on parle souvent de « régularité des traits ») plus il sera photogénique, ensuite se greffent des critères liés aux cultures. Ce qui est vrai pour un Français ne l'est pas forcément pour un Chinois. Mais la photogénie semble disparaître dès qu’on s’écarte de la norme. Les maquilleuses de studio le savent très bien, leur rôle consiste essentiellement à gommer tout ce qui altère les contours parfaits. Un nez de travers, une bouche asymétrique sont souvent fatals. Pourquoi ? Parce qu’en cristallisant le regard sur l’anomalie, ils freinent la rêverie.

Robert Bresson donne une indication importante. Pour lui, l’image plate, celle qui exprime le moins (par son contenu dramatique ou lyrique), a le plus de chance de libérer un sens second.

Si l’on peine tant à analyser la photogénie, ce serait peut être parce qu’elle se définit par la négative : une absence de caractère principal. Cette lacune, engendrerait un espace propice à abreuver l’imaginaire de chacun. Après la suggestion de l'image neutralisée, cette déficience d'émotion se comporterait comme le catalyseur de nos fantasmes. Il reste donc pour ceux qui ne sont pas taxés de « photogéniques » à se rassurer : ce ne sont pas tant les personnalités des « top models » qui attirent le public mais leur propension à envoyer vagabonder l’âme des spectateurs bien au-delà du lancinant quotidien.

Illustration : (haut) Marilyn Monroe, (bas) Madonna

Cet article est publié dans AgoraVox


07 juin 2007

Contrepoids d'horloge comtoise

L'image, cette semaine, n'est pas de très bonne qualité et je tiens à m'en excuser. Ne me trouvant pas à Athènes, j'ai du faire avec les moyens du bord. La semaine dernière, Ju a encore brillé. En quelques heures, il a découvert une photo mystère pourtant bien difficile. Il s'agissait d'un immense autocollant (sticker) représentant des plantes très agrandies, collé sur une vitrine de magasin pour masquer les travaux qu'on effectuait à l'intérieur. Reconnaissons que la tâche n'était pas aisée. Aucun indice ou commentaire de l'image de cette semaine. Je vous laisse à votre imagination. Je donnerai, plus tard, un plan plus large du sticker sur la vitrine, quand je serai revenu...

Se représenter le Paradishttp://www.blogger.com/img/gl.link.gif

D’abord remarquons que toutes les religions possèdent un paradis, ou équivalent. Dans le cas du Christianisme, il est de deux natures, terrestre et céleste. Le paradis terrestre est celui que nous avons perdu, celui d’Adam et Eve. Le paradis céleste est celui auquel les Chrétiens aspirent, ancré dans l’imaginaire de chacun et destiné à contrebalancer les souffrances terrestres. Dans les représentations comme dans les textes, les deux se confondent souvent en désignant ce qui pourrait être l’image du ravissement et du plaisir.
« La religion décourage les représentations trop exactes du Paradis : ce lieu de délices absolues où n’existe plus ni la faim ni la soif ni le temps, où les corps ressusciteront dotés d’une éternelle jeunesse au milieu d’une cour resplendissante emplie d’anges et de saints, ne pouvait donner lieu à une figuration trop précise » P. Bruckner, L’euphorie perpétuelle (Grasset, 2000). Ajoutons à cela que représenter le paradis revient à représenter le bonheur, et quoi de plus relatif que cette notion-là ? Les mots sont plus aptes à enclencher l’imaginaire que la plupart des images qui se replient sur elles-mêmes en nous imposant une rêverie toute faite et donc rarement satisfaisante. Surtout quand il s’agit des désirs de chacun dont on peut supposer qu’ils ne sont pas identiques.
Dans l’iconographie, les représentations du paradis ont évolué à mesure des découvertes biologiques. Si jusqu'au XVII ème siècle la faune et la flore sont celles d'un pays occidental tempéré, les siècles suivants le représentent le plus souvent comme un pays exotique tropical humide. Les constantes restent l’eau, les plantes et les arbres, les animaux, bref la nature très arborée et accueillante, où l’homme peut vivre sans souffrance, avec à boire et à manger à portée de main. Les représentations de paradis citadins sont extrêment rares, pour ne pas dire inexistantes.
Récemment interrogés sur leurs croyances, une majorité de Chrétiens avouaient ne plus croire à ce jardin des merveilles. Chez les Juifs, le chiffre atteint 95 %. L’existence serait-elle devenue plus douce, ne nécessitant plus une projection hypothétique dans un monde imaginaire de félicités? L’homme serait-il devenu plus pragmatique en séparant le réel de la fiction ? Il est toutefois intéressant de constater que la passion des citoyens pour l’horticulture explose quand la croyance au paradis décline.
Cette lente évolution date du siècle des Lumières, quand Voltaire écrivait : « Le paradis terreste est où je suis » Le mondain (1736). A la suite du tremblement de terre dévastateur de Lisbonne, il relativise ses mots, mais il lance l’idée majeure, contemporaine, que le monde peut devenir un somptueux jardin et qu’il n’est pas seulement une terre de désolation destinée à recueillir nos souffrances en attendant mieux (« L’Eden c’est toujours plus tard »). Au XVIIIème siècle pointe donc le concept, qui persistera, que le bonheur peut advenir maintenant. Cela touche aujourd’hui à la vie elle-même. Alors qu’au Moyen-Age, l’individu était un mort en sursis, grâce à la science contemporaine l’homme moderne est promis à devenir immortel. Le décès lui-même n’est plus une fatalité mais une panne qu’on saura bientôt réparer. Il est patent que le paradis céleste ne pouvait perdurer face au culte du bonheur immédiat. Le paradis passe en moins de deux siècles de l’état d’onirique à celui de tangible. Les publicitaires en ont assez joué en inventant le mythe des îles tropicales aux danseuses habillées de colliers de fleurs, les plages aux eaux bleu turquoise, toujours baignées d’un climat qui ne connaît ni le froid ni même la pluie. Ce nouveau paradis-là est essentiellement visuel et laisse peu de place à l’imaginaire. Et comme tout bonheur sur mesure, il reste délicat parce qu’il s’épuise de lui-même dès qu’il se donne libre cours. « La terre promise est déjà une terre éternellement compromise » écrivait Jankélévitch. Pire encore, il risque fort de dégénérer : « La déconcertante facilité avec laquelle la poursuite d’un idéal peut déboucher sur son contraire » I. Berlin. A force de trop jouer sur la même corde, la félicité peut se transformer en calvaire sitôt que l’imaginaire cesse de fonctionner.
Une représentation du paradis, les chrétiens l’avaient senti, relève du plus haut risque, celui de l’épuisement rapide ou tout simplement celui d’annihiler le rêve en puissance lové en chacun de nous. Représenter le bonheur est sans doute plus complexe qu’une image, si riche soit-elle.
Illustrations : Haut, Brueghel-Le paradis terrestre (vers 1600) Bas, Chagall- Adam et Eve chassés du Paradis (1961)
Pour ceux qui sont friands de débats houleux, cet article est publié sur AgoraVox

01 juin 2007

Sticker collé sur une vitrine

Eh oui, du retard cette semaine, un peu bousculé l'auteur du blog. Pas d'article, juste une photo, difficile, il faut bien alterner de semaine en semaine. Et puis, ça vous laissera le temps de cogiter un peu. Je précise que personne ne connaît cette image, que je suis prêt à donner des indices et que ce n'est pas une représentation qu'on peut voir tous les jours...
Comme promis, je donne l'image de la terrasse du café de la photo précédente, celle avec la table, l'accoudoir de la chaise et le plancher. Plutôt chicos, le café, comme on en trouve au centre d'Athènes, désert aux heures matinales.