26 juillet 2007

Cloches pour blanchir les salades en Bretagne

Et nous revoilà dans la canicule de l'été grec qui doit faire palir les Bretons mais qui nous fait aussi pâlir de chaleur. Personne n'est jamais content. Bravo à Mini (non, il n'y a aucun favoritisme) et à Ju pour la rapidité de découverte sur la dernière énigme. Oui, une bâche de camion à Chios, une île proche de la Turquie, avec une étonnante gravure bleue, que j'aurais dû mettre seule, sans les courroies et les attaches, pour rendre l'image plus mystérieuse. Bon, cette semaine je ne commente plus. Facile, difficile, je n'en sais rien. A vous de juger, et de répondre le mieux et le plus vite possible.

Photographie : les réfractaires au numérique


Une décennie à peine après l’apparition du premier appareil numérique de prise de vue professionnel, force est de constater que les procédés numériques ont balayé en quelques années l’argentique qui sévissait pourtant seul depuis les débuts du XIXx siècle. Une révolution technique ? A n’en pas douter, mais aussi une grande perturbation psychologique chez ceux pour qui la photographie se trouvait irrémédiablement liée aux films, traitements et autres tirages.
Comme chaque fois qu’une technique évolue (trop) rapidement, on trouve des nostalgiques qui ne jurent que par ses étapes précédentes à qui ils trouvent des vertus incomparables et se refusent à adopter les changements qui leur semblent imposés. C’est attesté pour les disques noirs (vinyl) face au CD, pour l’écriture à la main face au traitement de texte, et même pour le feu de bois face au gaz et autres plaques électriques. Essayons de comprendre ce qui les gêne en examinant leurs motivations dans le cas de la photographie.
L’immatérialité de l’image. Une image numérique ne possède pas de réalité tangible. Ce n’est qu’une information (au sens premier du terme) constamment modulable et on ne peut guère lui accorder de caractère définitif. On pourrait la comparer à une matière première qu’il faut apprivoiser, triturer, malaxer sans cesse, même avec souvent la perspective d’une modification ultérieure. Que vendre alors sur le marché de l’art ? Une série de 0 et 1 reproductible à tout moment ? Un tirage qui ne sera qu’une interprétation possible de l’image base ? Durable combien de temps ?
La relativité des pixels. Une image est radicalement différente selon le support d’observation. Les écrans, les imprimantes ne sont pas calibrés uniformément. On peine à définir des normes, les constructeurs, concurrence oblige, ne communiquent pas entre eux comme il se devrait. L’étalonnage n’est pas encore un passage obligé.
L’immédiateté du procédé. Le résultat d’une prise de vue est instantané, du moins sur l’écran de l’appareil photographique. La phase de gestation, de transformation de l’image latente en réalité concrète, a disparu et avec elle la magie liée au processus. Quiconque a déjà entrevu, à la mystérieuse lumière du sodium, un tirage noir et blanc se révéler dans le bac, comprendra qu’une certaine sorcellerie alchimiste liée à l’oxydoréduction s’est envolée avec les pixels. Certains dénoncent le « tout, tout de suite » quand ils aimaient le long cheminement à travers les bacs de chimie nauséabonde.
La facilité de l’utilisation. N’importe qui peut aujourd’hui se baptiser photographe. L’excellence de la prise de vue est tombée avec la prise de conscience de l’efficacité des logiciels de traitement d’image (Photoshop, pour ne pas le citer). Possibilité de contrôle à tout moment, opportunité de corriger, gratuitement, sans laisser trace de ses erreurs. Il est évident qu’un savoir-faire sans faille n’est plus requis pour obtenir un résultat exploitable par un client ou même un ami. Le mal est si grand que certains professionnels modifient leur intitulé en introduisant des mots comme « concepteur », « créateur » qui les démarquent du tout-venant des preneurs d’image.
La gratuité. Une fois le matériel acheté, et tant que l’on n’imprime pas ses images, la photo numérique ne coûte rien. On peut redouter que cette gratuité n’entraîne une boulimie furieuse d’enregistrer tout ce qui passe à sa portée, de mettre à l’abri du temps les constituants de monceaux de souvenirs potentiels. L’idée de choix, inhérente à la photographie et symbolique de création, risque de tourner court.
La fiabilité des supports. Combien de temps les chiffres seront-ils lisibles par un lecteur ? Un CD est vendu pour dix ans seulement. La recherche travaille sur des gravures sur verre, inaltérable à condition de ne pas le casser. Un disque dur peut « lâcher » d’un moment à l’autre. Le grain sur papier argentique avait tout de même une autre allure.

Et pourtant…
L’image est avant tout information avant d’être œuvre d’art. On l’avait un peu oublié. Le numérique nous le rappelle. Souvenons-nous des photographes qui détruisaient sciemment et artificiellement leurs négatifs pour faire grimper le prix des tirages. En confiant un même négatif à plusieurs laboratoires de tirage, quelle surprise n’avait-t-on en découvrant les résultats !
Si une technique permet de corriger instantanément ses erreurs, on ne peut que s’en féliciter, si elle rend son utilisation plus universelle, voire démocratique en constatant la chute des prix, à moins d’élitisme, pourquoi y trouver à redire ?
Les boulimiques, à moins de verser dans la maniaquerie grave, se lasseront vite en évaluant la dimension des problèmes d’archivage de leurs millions d’images et surtout le peu d’intérêt qu’elles suscitent. L’idée de choix redeviendra vite de rigueur.
Faut-il rappeler qu’une diapositive devait être conservée à - 32° Celsius avec un maximum de 40% d’humidité relative pour avoir quelque chance d’être conservée plus de vingt ans sans altération fatale et définitive ? Rappeler que le XIXème siècle inventa les virages colorés (sépia, à l’or, etc) pour augmenter la durée de conservation des tirages noir et blanc.
Enfin des tests scientifiques incontestables (nombre de traits séparés par millimètre) montrent que le pouvoir de résolution d’une image numérique est aujourd’hui bien supérieure à son homologue argentique.

Reste l’irrationnel : l’habitude, la nostalgie, la poésie contre lesquelles aucun argument convainquant et sérieux ne peut être opposé. Ce sont des caractères propres à l’esprit humain dont certains semblent affectés plus que d’autres. Les individus, pour continuer d’exister, se doivent d’assumer leurs différences.
Illustration : (haut) Premier Leica de H.C. Bresson, (bas) Labo Noir et Blanc

17 juillet 2007

Bâche de camion

Nous voici de retour après quelques vacances dans le froid breton. Bravo à Ju et à Laurette pour la dernière énigme (c'est Sopalin, je crois, au lieu de Soupalin qui fait un peu Soupalognon). Cette semaine on sort de la cuisine... avec une image plus incongrue, en tout cas qui devrait vous donner à penser. Certains d'entre vous sont en vacances (ce ne doit pas être le cas de Ju toujours à construire ses villas pour m'as-tu-vu à St Trop) alors le mystère devrait tenir plus de 24h, et je me prends à rêver qu'il durera même toute une semaine... et que je dévoilerai la solution, en me faisant prier, juste avant la photo mystère suivante.

La crainte d'être photographié

Que se passe-t-il à l`instant où un appareil est braqué sur nous ? Le risque qu’on enregistre notre image nous met mal à l’aise. Comment expliquer qu’un acte devenu aussi courant hérisse le poil de la plupart d’entre nous ? Que craignons-nous au juste ? Tous les journalistes remarquent que si l’enregistrement de la voix est plutôt bien admis aujourd’hui, dès qu’une caméra pointe le bout de son objectif, le public s’enfuit. Et pourtant… des milliards de photographies sont prises chaque année, les caméras de surveillance (« souriez vous êtes filmés ») fleurissent dans les boutiques et aux coins des rues, de nombreux internautes équipent volontairement leurs ordinateurs de webcams qui les suivent dans leur intimité, sans parler des téléphones portables souvent équipés d’appareils photos rudimentaires. On aurait pu croire que notre image deviendrait anodine. Balzac, qui pensait que chaque photographie lui enlevait une de ses enveloppes, en le dépouillant comme un oignon, est-il encore d’actualité ? On aurait pu croire que la multiplicité de nos représentations entraînerait l’habitude, voire la lassitude, en tout cas pas l’indignation. Force est de constater qu’il n’en est rien. Enregistrer notre image est encore ressenti comme une restriction de liberté, presque une agression.
Sur le sujet, le Droit est quasi inapplicable et très ambigu : l’autorisation de la personne est requise si elle est considérée comme sujet principal de l’image. Dans les faits, comment peut-on, au moment de la prise de vue, affirmer, en pestant contre le photographe, avoir été piégé ? Celui-ci peut très bien rétorquer avoir pris un cliché sur lequel on ne figure pas. Et d’ailleurs la loi ne s’attache pas à la prise de vue mais à sa publication, ce qui implique de lire les milliers de revues qui paraissent chaque semaine, en France et à l’étranger. Internet n’est pas exempt de ces droits sur l'image, et le contrôle devient aujourd’hui ingérable.
Cette aversion a être représenté est d’autant plus surprenante qu’il existe, chez les citoyens, un désir profond et de plus en plus patent de laisser des traces de leur passage sur terre. Une survalorisation de l’individu palpable dans la publicité ("vous le valez bien") et dans beaucoup d’actions entreprises pour exister après sa disparition. C’est une des premières motivations pour avoir un enfant, pour construire une maison, pour écrire un livre… alors pourquoi rechigner à donner son image, empreinte tellement évidente de son identité?
Une première explication vient à l’esprit : cette image ne nous convient pas. Nous n’en sommes pas fiers et en souhaiterions une autre, plus valorisante, qui expose un meilleur côté de notre personne. Les décors des photographes du passé sont toujours bourgeois, les habits du dimanche toujours de rigueur. Le quotidien, le vêtement de travail, n’ont jamais suscité la demande des « portraitisés ». D’ailleurs, par le passé, les demandes de portraits confiés aux professionnels de la peinture, de la sculpture et plus tard de la photographie, allaient toujours dans le sens de la catégorie sociale juste supérieure à celle du client: l’ouvrier représenté comme un bourgeois, le bourgeois comme un aristocrate, l’aristocrate comme un souverain et même le souverain souvent immortalisé en empereur romain.
La seconde explication est que nous supportons mal une représentation contre notre gré, une atteinte à ce que l’on croit être notre liberté individuelle. La phobie de l’espionnage est toujours là. Cette inquiétude peut prendre des allures obsédantes presque paranoïaques. S’il est vrai que nous sommes souvent photographiés à notre insu, ces images ne peuvent théoriquement être utilisées que pour des individus déjà suspectés, et elles ne constituent pas des preuves. Le thème du grand complot étatique, du monde d’Orwell, de la STASI, est toujours d’actualité et les performances accrues des enregistrements d’images ne concourent pas à sa disparition.
La troisième explication est liée au phénomène du miroir. Nous nous voyons rarement tel que nous sommes tout simplement parce que c’est le miroir qui nous renvoie notre image. Et ce miroir inverse l’image droite gauche avec une symétrie horizontale (axe vertical). Un grain de beauté sur la joue droite est à gauche sur l’image réfléchie. Notre visage n’étant jamais tout à fait symétrique nous sommes accoutumés à sa dissymétrie inversée. Il serait intéressant de présenter deux portraits individuels à un échantillon de population, l’un normal, l’autre comme dans un miroir en demandant la préférence de chacun.
La quatrième explication est plus psychologique et il est difficile de l’approfondir ici. Elle concerne la pudeur. Certains parmi nous supportent mal les feux de la rampe. Une forme de modestie les garde de devenir un centre d’intérêt pour un public, si réduit soit-il. C’est leur choix le plus légitime et dans une société où la célébrité devient un atout majeur, on ne peut que respecter ceux qui en décident autrement et préfèrent rester dans l’ombre… par humilité.
Illustration : Balzac par Nadar, Daniel Lemarchand (bas)
Pour ceux que cela intéresse l'article est publié sur Agoravox

05 juillet 2007

Interruption pour vacances

Pas de photo, pas d'article jusqu'au 15 juillet. La semaine dernière aucun accès Internet en Crète(panne du réseau) et cette semaine, comme la suivante, vacances en Bretagne. D'ailleurs je conseille à tous les accros de la souris de faire une petite pause de temps en temps, histoire de se remettre les neurones en ordre. C'est très relaxant et permet une rupture des plus bénéfiques avec la quotidienneté. A bientôt donc, en pleine forme!!!