22 juin 2006

Pot en plastique sur une terrasse après arrosage


Le feu arrière d'une voiture (de sport), en gros plan. On ne peut pas faire plus commun. On en voit partout dès qu'on sort dans la rue. Photo suivante, brute encore, plus difficile, je crois, mais accessible tout de même, surtout pour les fins limiers que vous êtes (moins nombreux en cette période de vacances).

Photographie, message sans code !!!

Roland Barthes publie en 1980 La chambre claire (éd. Gallimard Seuil). Il est surprenant que cet ouvrage, pourtant maintes fois critiqué sans ménagement (Le mystère de la chambre claire – Serge Tisseron1996 éd. Les Belles Lettres), reste encore une référence. Il suffit de lire des essais sur la photographie, des articles dans des revues spécialisées ou encore des sites Internet consacrés aux images pour mesurer l’importance de cette chambre claire dans les réflexions, 25 ans après sa publication.

Et pourtant… Barthes qui vient de perdre sa mère parle souvent à la première personne quand il écrit : L’image, pour moi, est fondamentalement douloureuse, ou encore : Cette chose un peu terrible qu’il y a dans toute photographie : le retour du mort. Et là, on mélange tout. Les souffrances personnelles et les états d’âme d’un auteur médiatisé sont pris pour un discours théorique sur l’image. On s’y reporte constamment, surtout dans des milieux pseudo intellectuels pour qui quelques penseurs généralistes ne peuvent énoncer que des vérités universelles, même lorsqu’ils évoquent des expériences personnelles qu’on assimile alors à des discours doctrinaux. Serge Tisseron écrit : Mais ses propres réserves (celles de Barthes) n’ont malheureusement pas empêché qu’après lui, ce point de vue soit érigé en théorie absolue de toute photographie.

Considérons un des grands axes de la pensée « barthienne » : la photographie est un message sans code. Il suffit de se placer à la sortie d’une développeuse automatique, dans une grande surface (75 milliards de photos prises par an), pour se rendre compte à quel point les images se ressemblent tant elles sont codées. Voyages : mari, femme devant les monuments, regards fixés sur l’appareil, plans très larges pour tenter de tout intégrer à l’image. Ou encore, plus original, le touriste qui soutient la tour de Pise pour lui éviter de s’écrouler (image requérant de pencher l’appareil pour que la tour paraisse vraiment instable) ou encore celui qui place sa tête sur la statue de l’Empereur romain acéphale. Du sujet au cadrage, tout n’est que convention : personnages en pied vus de face, événements heureux, représentation du sujet à son avantage, sourire, habits du dimanche d’autrefois. Même la technique ne fait pas exception, quand on sait que le contraste utilisé pour les rendus photographiques est deux fois supérieur à celui du sujet. Le seul instant où la photographie pourrait être, comme le propose Barthes, un message sans code est celui du temps de la prise de vue, de la transmission mécanique du sujet vers l’image. Mais ce temps-là est-il vraiment important vis-à-vis de la création ? Et toute photographie en est une. La photographie est, ou peut être, une activité purement cérébrale. Ed. Weston – Journal Illustration : anonyme – légende : heureusement que je suis arrivé à temps


Feux arrière d'une voiture de sport

Il était là près de vous, souvent remplacé par un écran LCD plat mais il reste le favori dans tous les arts graphiques. Le dessus d'un bon vieil écran cathodique d'ordinateur, avec ses fenêtres d'aération. Cette semaine encore du concret qui paraît presque abstrait. Là encore, présent dans la vie quotidienne, à tout instant.

Photographie, au singulier ou au pluriel



Régis Debray, dans son essai « Transmettre » (Ed. Odile Jacob) nous dit qu’on ne peut éviter de considérer l’image comme issue d’un produit technique, qu’elle n’est pas une simple création de l’esprit descendue sur terre par hasard :

Pensons, par exemple, dans le domaine supposé homogène de la photographie, au changement d’esprit et de style permis par l’apparition du Kodak léger, maniable, sans pied, puis par le Leica d’avant-guerre. Avec ces appareils sont nés l’instantané, le scoop, l’atmosphère, la street photography, les « images à la sauvette ». La photographie n’appelle pas les mêmes usages sociaux selon qu’il s’agit d’une image de métal, d’un négatif sur verre, d’un papier au gélatino-bromure… d’un polaroïd ou d’une épreuve numérique (en quoi il y a « des » et non « la » Photographie). La matérialité de la prise de vues détermine les opérations du regard.

Il existe des différences encore plus fondamentales qui prennent corps dans le but recherché par la création d’images. Le déclenchement d’un obturateur n’est pas un acte gratuit, dénué de sens. Il y a toujours une raison qui pousse l’opérateur à presser sur le bouton. Mais quelles valeurs communes entre la photo d’un nourrisson, celle d’un Président en visite à l’étranger et celle destinée à une « installation » d’une galerie d’art ? La première souvenir personnel, la seconde information et la troisième esthétisme.

Les photographes ne font pas tous le même travail, loin s’en faut, indépendamment des moyens techniques qu’ils utilisent, qui eux tendent à s’uniformiser avec le numérique. Depuis les années 2000, la majorité des « scoops » ont été assurés par des amateurs armés de téléphones portables ou d’équipements bas de gamme. Beaucoup de créations contemporaines utilisent de simples polaroïds aux couleurs dénaturées qui feraient bondir n’importe quel médiocre technicien.

En conclusion : Photographies, au pluriel certainement,mais pas en raison des techniques utilisées, plutôt à cause de l'usage qu'on veut en faire, du but, conscient ou pas, qu'on se donne en capturant des portions d'espace et de temps. Illustrations Thierry Fournier (gauche) Anonyme (droite)


21 juin 2006

Dessus d'écran d'ordinateur cathodique


C'était difficile, je n'en suis pas si sûr. Un bol sur un égouttoir à vaisselle devant le store d'une cuisine, l'ensemble tourné à 90°, des objets qu'on voit chaque matin au petit déj. La photo de cette semaine est simple : un seul objet, pas de décor, la matière et rien qu'elle...

Les transis ou la mort redoutée

Le transi est un type de sculpture qui apparaît au XIVème siècle. Le genre semble aujourd’hui bien sinistre : il représente les défunts dans leur décomposition « avec des vers leur sortant de la poitrine ». Le premier transi connu est daté de 1362, soit quatorze ans après la Grande Peste qui fit perdre à l’Europe le tiers de sa population. « On passe d'une mort acceptée , au sein d'un parcours chrétien attendu, à une mort redoutée, qui n'est plus que le couperet qui nous sépare à jamais de ce monde » (Constantin Simon : La mort). Avec la peste qui toucha tout le monde, sans exception, la mort est passée si près qu’on ne peut plus l’ignorer. L’individu, obsédé par sa propre disparition, imminente et aléatoire, la représente, dans toute son horreur, en insistant même sur les détails crus de ce que le corps est voué à devenir.
Le transi se généralise au XVème siècle et perdure jusqu’aux dernières années du XVIème siècle. Pourquoi cesse-t-il à cette époque ? Les idées de la Renaissance semblent avoir eu raison des obsessions macabres. En devenant maître de son destin, l’homme libéré n’est plus accablé par la fatalité de sa disparition. Pic de la Mirandolle écrivait déjà en 1486 : « l’homme n'a reçu de Dieu ni lieu, ni délimitation, ni tâches fixes, afin de pouvoir s'engager dans n'importe quelle oeuvre et occuper la place qu'il désire ». Il aura fallu presque un siècle pour mesurer pratiquement les conséquences d’un tel discours.
Le cas de Catherine de Médicis est intéressant : elle passe commande à Della Robia en 1565 (24 ans avant son décès) de son transi. Choquée par l’excès de réalisme, deux ans plus tard elle en choisira un autre qui montre un corps beaucoup plus présentable, dans un état de décomposition nettement moins avancé. La représentation peut aider l’homme à accepter son destin, elle peut même servir de thérapie à ses souffrances, mais il faut éviter de tomber dans l’excès... (illustration : à gauche premier transi de Catherine de Médicis)

Bol sur égouttoir devant un store dans une cuisine


Cette fois pas de superposition, pas de bricolage, du brut de coolpix avec des objets de la vie quotidienne que tout le monde connait. Dans deux jours et pour un mois, pour raisons de vacances, les interventions de l'auteur se feront moins fréquentes, mais le blog continue avec une photo et un article sur l'image chaque semaine. Bravo encore pour la perspicacité d'Aïkido sur la dernière photo.

La photographie et les morts

Depuis que le monde est monde, l’homme, sans cesse poursuivi par l’idée de l’absence des proches disparus, a tenté d’en fixer les traces. Sans vouloir se résoudre à leur perte, il utilisa des représentations réalistes de l’instant même de leur trépas.
Après une longue tradition depuis l’Egypte antique et les masques mortuaires (sûrement davantage destinés à la transition dans d’autres sphères qu’au souvenir), le moyen âge avec les gisants et les transis (l’article de la semaine prochaine leur sera consacré), la société européenne connut une mode consistant à photographier le défunt sur son lit de mort (cf. Proust article précédent), moyen peu onéreux de fabriquer un masque funéraire réservé, lui, aux grands de ce monde (Victor Hugo, Napoléon). Là encore, comme pour le portrait, la photographie démocratise un usage réservé à l’aristocratie.
Le musée Grévin est inauguré en 1882. Son concepteur, Arthur Meyer, est journaliste au « Gaulois ». Il veut présenter en trois dimensions les personnages exposés en couverture de son journal. Pas encore question de leur mort mais il est aisé d’imaginer comment il convaincra Grévin d’investir une partie de sa fortune dans cette coûteuse opération. Le XIXème siècle veut se souvenir et le formidable essor des techniques lui en donne les moyens.
Chaque fois qu’on invente une nouvelle machine optique, le premier pouvoir dont elle est créditée est, justement, de rendre visible l’invisible. Quels manques plus cruels et quoi de plus invisibles que les chers disparus ? Les médium recourent à la photographie du défunt avec qui on tentera de communiquer, par spiritisme. Il est étonnant de constater que la coutume de photographier des morts est apparue dès la naissance de la photographie. Elle n’a pratiquement plus cours aujourd’hui, associée au malheur dans un monde occidental qui cherche à gommer tout ce qui peut l’éloigner du plaisir, où seul le souvenir heureux mérite d’être cultivé.
Il est difficile aujourd’hui de croire que l’image des défunts, photographiés de leur vivant, a conféré à la photographie au XIXème siècle un statut de sorcellerie, capable de faire surgir les fantômes de l’au-delà, statut dont elle eut bien du mal à se débarrasser par la suite. Eric Aupol, photographe, écrit aujourd’hui : « La magie de la photographie, c’est ce sentiment physique d’être face à des fantômes ».

14 juin 2006

Lentilles et roseaux sur le marais poitevin

Proust, un fils de Nadar : la transition

Marcel Proust est souvent décrit comme un photomaniaque. Collectionneur passionné, Maurois écrit de lui : «Proust attacha toute sa vie une importance extraordinaire à la possession d'une photographie. Il en avait dans sa chambre toute une collection qu'il montrait à ses amis ». En garnison, en 1890, sa mère lui envoie un portrait d’elle qui donne lieu à de longs échanges épistolaires sur l’éventuelle ressemblance avec l’original. Réflexions longuement développées dans la Recherche : Ces photographies d'un être devant lesquelles on se le rappelle moins bien qu'en se contentant de penser à lui. (Le temps retrouvé )
Quand naît Proust, la photographie est déjà vieille d’un demi-siècle. Les premiers appareils Kodak sont sortis de Rochester depuis trois ans. La photographie entre timidement chez le particulier. Quand il meurt, en 1922, la photographie est adulte, les autochromes fêtent déjà leurs vingt ans, Ernst Leitz va sortir son premier appareil 24 x 36.
Dans sa confrontation avec le passé, il trouve dans l’image photographique la matière qui lui manquait :
En remontant de plus en plus haut, je finissais par trouver les images d'une même personne séparées par un intervalle de temps si long […] que j'avais même cessé de penser qu'elles étaient les mêmes que j'avais connues autrefois, et qu'il me fallait le hasard d'un éclair d'attention pour les rattacher, comme à une étymologie, à une signification primitive qu'elles avaient eue pour moi. (Le temps retrouvé) On oublie le vieillissement en le vivant au quotidien. Mais la photo remet tout en place, souvent elle dénonce les égarements.
Pour qui cultive le souvenir comme lui, la diffusion de la photographie est une mine à exploiter à tout prix, bien plus prometteuse que la petite madeleine. Mais il met une limite aux vertus des images argentiques : parfait pour susciter, très médiocre pour imaginer. Il va même jusqu’à renier les affres du temps, celles qui dérangent : Le temps qui change les êtres ne modifie pas l'image que nous avons gardée d'eux. (Le temps retrouvé) L’image dans la tête prédomine sur le souvenir objectif et sa preuve argentique.

Bien qu’héritier de Baudelaire, Proust colle des références photographiques dans toute son oeuvre : « l’instantané », « la pose », « le cliché », « la chambre noire » reviennent régulièrement. Brassaï décèle chez lui une double lutte, commune à celle du photographe : contre le temps avec le « désir immémorial d’arrêter le temps » et avec lui en se référant toujours à la durée et à l’éternité.

Proust, bien que fasciné par ce fantastique instrument d’enregistrement en plein essor le méprise, en même temps qu’il s’y réfère au quotidien, comme tous les artistes et intellectuels jusqu’aux années 1930. Il assure la transition entre le monde des mots et des pensées, celui des romantiques, et le monde des images qui ne nous a plus quittés depuis. Cocteau demanda à Man Ray, qui rechigna, de faire le portrait de son ami écrivain sur son lit de mort… pour la dignité de la photographie.
La photographie acquiert un peu de la dignité qui lui manque quand elle cesse d'être une reproduction du réel et nous montre des choses qui n'existent plus. (A l’ombre des jeunes filles en fleurs)



Tambour de machine à laver

Cire de bougie sur une bouteille

Tout le monde a trouvé, le premier jour même. Vous gachez le métier. Alors cette semaine, avec de l'avance, je ne dis rien à personne et je montre une image sans indice. C'est une photo brute, sans superposition ni bidouillage Photoshop. A vous de faire travailler vos cerveaux fertiles.

09 juin 2006

La méfiance des écrivains

Balzac, selon Nadar qui en fit le portrait, croyait que l’homme, comme l’oignon, possédait plusieurs enveloppes qui l’entouraient et qu’une d’elles disparaissait chaque fois qu’on le photographiait. Il ne fallait donc pas en abuser… Trois photographies seulement de Balzac sont connues aujourd’hui.

Flaubert n’accordait aucune valeur sentimentale à la représentation photographique. Il écrit à une amante : « [...] ne m’envoie pas ton portrait photographié. Je déteste les photographies à proportions que j’aime les originaux. Jamais je ne trouve cela vrai [...]. Ce procédé mécanique, appliqué à toi surtout, m’irriterait plus qu’il ne me ferait plaisir. Comprends-tu ? Je porte cette délicatesse loin, car moi je ne consentirais jamais à ce que l’on fit mon portrait en photographie. »

Baudelaire ardent combattant de l’image argentique lui reconnaît toutefois une valeur de mémoire, rien de plus : « Qu’elle (la photographie) sauve de l’oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes et les manuscrits que le temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaître et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, elle sera remerciée et applaudie. Mais s’il lui est permis d’empiéter sur le domaine de l’impalpable et de l’imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce que l’homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous ! ».

Pour résumer, au dix-neuvième siècle, la photographie peut s’avérer dangereuse pour la santé mais surtout étouffe le songe, tue la fantaisie en fournissant des représentations trop précises et mécaniques qui n’évoquent plus rien. Le « vrai » de Flaubert ne peut être une copie. En revanche, le portrait peint a une âme. Bien que moins fidèle il évoque davantage de sentiments. Il suscite plus qu’il ne montre. L’objectivité n’a pas, chez les romantiques, valeur de sensations. La peinture s’était déjà, à cette époque, affranchie de la ressemblance. La photographie pas encore.

Aujourd’hui, force est de constater que beaucoup de photographes, tout comme Flaubert, n’attachent aucune valeur fétichiste à leurs images. La photo des êtres aimés est très peu présente dans leur foyer ou leur portefeuille. Et comme le portrait peint a pratiquement disparu, il leur reste les souvenirs dans la tête pour attiser les sentiments.

Panier diapositives pour projecteur Carousel Kodak

C’était trop facile pour certains qui l’ont utilisé pendant de longues années. Le projecteur de diapos Carousel, apparu en 1961, marqua l’audiovisuel de toute une génération. Il avait la particularité de fonctionner en boucle, chargé de 80 diapositives, et ainsi d’éviter une intervention manuelle lors d’une exposition ou d’une animation permanente par exemple. Equipé d’une seconde lampe à changement instantané, d’un gros ventilateur, assez bruyant mais évitant toute surchauffe, il devenait l’incontournable accessoire de toute présentation imagée. Bravo à Kyros qui, sans faire partie du sérail de l’audiovisuel, a trouvé le premier. Les professionnels ne sont pas intervenus dans les commentaires pour ne pas fausser le jeu. La photographie de cette semaine est ouverte à tous, sans favoritisme. Qui découvrira le secret de cette sculpture abstraite ? C’est assez facile et je ne donne donc aucune indication.

05 juin 2006

Euro-vision sans visage (suite)


Début d'un article du journal Le Monde du 02/06 :
Le monstre de l’eurovision a un visage
Une photo publiée, acte jugé blasphématoire par des dizaines de milliers de fidèles, une pétition rageuse, un appel au boycottage, des menaces contre un magazine, des renforts de police devant la rédaction, les excuses officielles du journal...
Une gigantesque protestation, une pétition de 200 000 signatures, rien qu'en Finlande... tout ça pour une photo (ancienne de surcroît) du vrai visage de Tomi Putaansuu, le chanteur de Lordi. Voilà que les médias se fourvoient dans des contresens dramatiques. Pensant satisfaire ses lecteurs en dévoilant le caché, le journal attire les foudres de tous ceux (largement majoritaires semble-t-il) qui ne veulent pas le voir.
Le mystère doit rester mystère, voilà ce que nous disent les signataires de la pétition, et même si le chanteur est identifiable, on ne doit pas violer son anonymat. Pour garder sa force le mythe ne lâchera rien. Pas question de rabaisser Lordi au rang de la banalité, voire de l'anonymat des chanteurs de l'eurovision. Même quand on sait qu'un personnage, en chair et en os, se cache derrière ce masque, on préfère l'oublier, presque l'ignorer pour ne conserver que la magie du fantastique.
Pour aller plus loin on peut avancer que le spectateur qui s'intéresse à une image se moque pas mal de sa référence dans le réel... ou encore que la photographie se libère de son objet. L'image du monstre n'a de sens qu'en elle-même, aucune figure humaine ne doit venir la troubler. C'est ce message du public que le journal n'a pas compris en misant sur le scoop de la révélation d'identité : Au diable la réalité pour qu'on puisse croire à nos fictions.

02 juin 2006

Le carnaval de Patras

C'est Kyros qui a trouvé la photo de la semaine dernière, mais... je ne me souviens plus... peut-être l'ai-je aidé quand il est passé dans mon bureau pour bidouiller l'ordinateur. Original le défilé des Evêques (en violet), façon Fellini Roma. En revanche Barcelone joue en bleu et rouge, pas de violet donc. Mini Véga n'est pas une spécialiste de foot. La photo est floue par inadvertance, pris avec un Coolpix (bien vu le pro)avec une pose trop longue et donc du "bougé".
Il faut ajouter qu'à Patras (capitale culturelle de l'Europe cette année) les défilés sont organisés par établissements scolaires (ne pas confondre avec écoles de samba)et que les élèves d'une même classe s'habillent tous de la même façon (violet et rouge pour cette classe-là).
La photo de cette semaine est bien abstraite mais sachez que c'est un accessoire que certains utilisaient chaque jour, il n'y a pas si longtemps.


Platon et les images
Platon n’aimait pas les images. Il les jugeait même comme une sacrée arnaque, une sorte de trompe l’œil permanent qui permettait aux faussaires de faire passer les vessies pour des lanternes, bref, qui permettait aux filous d’abuser de la confiance des spectateurs. On s’interroge beaucoup sur cette branche de la philosophie platonicienne, le mythe de la caverne : une histoire assez curieuse de prisonniers attachés depuis qu’il sont nés dans une caverne bien sombre, sans pouvoir tourner la tête (et donc se voir les uns les autres), avec des marionnettes qui passent en hauteur devant leur champ visuel et dont les prisonniers ne distinguent que les ombres à cause du faible éclairage à contre-jour… et les voix des montreurs de marionnettes réfléchies par l’écho des parois (tout ce qu’il y a de plus banal en sorte). Et là surprise ! Si un prisonnier sort de cet enfer, il croira que la « réalité » est fiction et jurera que sa fiction de marionnettes est la « réalité ». Reconnaissons que la démonstration est un peu étonnante.
Seulement puisqu’on parle de réalité, il faut savoir ceci (on ne reprochera pas à Platon de ne pas l’avoir su) : Si on place devant les yeux d’un observateur une lentille qui inverse l’image, tête en bas, droite gauche, le pauvre homme verra alors tout à l’envers. Mais si on poursuit l’expérience, après une durée de trois jours il rétablit de lui-même le sens initial. Notre œil ne fonctionne donc pas comme un instrument optique, mais plutôt comme un ordinateur à qui on donne des informations et qui s’en arrange pour restituer une « impression », une représentation cohérente. Cela donne à penser quant à la notion de réalité !
Deux citations pour conclure :

« Nous sommes en effet sortis de ce monde du symbole immédiat, et rentrés dans celui de la représentation : alors que l’artiste « primitif », à chaque fois qu’il « se tourne vers une expérience pour la signifier, […] rencontre du sens, […] des symboles qui peuvent s’articuler pour donner de l’objet une présence signifiante qui n’emploie rien que l’apparence visible de l’objet »(Y. Bonnefoy), au contraire, depuis l’expérience grecque classique de l’art, l’apparence nous est apparue » (compte rendu de lecture d’un ouvrage de Marie-José Mondzain)

« En un sens, l’image religieuse constitue sans doute le prototype de l’image en général, parce que l’image en général ne naît que de l’absence de ce qu’elle représente » J. J. Wunenburger