Pilastre de l'église St Césaire (Arles)

Le mot ne s’emploie qu’au pluriel. Il provient d’un film de Fellini La Dolce Vita dans lequel le photographe d’un journal « people » se nomme Paparazzo.
Quelle que soit la sympathie ou l’antipathie développée face aux paparazzi, certaines vérités restent indéniables :
-Les vedettes ont besoin qu’on parle d’elles, même en mal parfois, pour exister.
-Il y a une grande hypocrisie à se prétendre harcelé tout en signant des contrats avantageux avec des journaux à scandales qui dévoilent sa vie privée.
-Dans tous les cas de figures, le personnage photographié émerge financièrement gagnant, soit lorsqu’il signe un contrat avec le journal, soit lorsqu’il attaque la publication pour atteinte à sa vie privée.
Conclusion : avant de faire tenir aux paparazzi le rôle de bouc émissaire, interrogeons-nous plutôt sur le pourquoi de cette profession et la chaîne de bénéfices qu’elle draine dans son sillage… également sur la pérennité d’une pratique que personne n’a jamais vraiment souhaité éradiquer.
Illustration : La Dolce Vita (Federico Fellini), Tazio Secchiaroli (Paparazzo)
La même année 1895, les frères Lumière présentent leur premier spectacle cinématographique dans un café parisien et Otto Lilienthal prend son envol avec des ailes sur le dos, un an avant de se tuer en planeur. A la différence des frères Lumière qui ne croient pas en leur cinéma pour un autre usage que scientifique ou encore comme attraction foraine, les précurseurs de l’aviation concrétisent enfin le rêve de toute l’humanité depuis l’Antiquité : voler. Le mythe d’Icare devient réalité tandis que la réalité en mouvement (La sortie de l’usine Lumière) se fixe sur une pellicule devant seulement 35 spectateurs payants au Grand Café, Boulevard des Capucines. Le film se termine symboliquement par la fermeture du portail de l’usine comme pour ébaucher la fin d’une histoire qui n’en est pas une.
Qu’en est-il plus d’un siècle après ? On prend l’avion comme on prend l’autobus, sans même se soucier de ce qui défile à l’extérieur du hublot. L’avion, c’est un lieu commun, a réduit les dimensions terrestres en nous projetant en quelques heures d’un bout à l’autre d’une planète qui, à force de communication, devient unitaire. Il fait désormais partie de notre quotidien, s’est banalisé au point d’en devenir ennuyeux.
Le cinéma prend son envol dès l’année suivante, 1896, pour ne plus jamais regagner la terre ferme. Rapidement les frères Lumière envoient des opérateurs dans le monde entier, le Grand Café fait salle comble tous les jours. Très vite Méliès invente les trucages, la mise en scène d’anecdotes. Le rêve cinématographique est né. Il captive aujourd’hui des milliards de spectateurs du monde entier (1,5 milliard par an, rien qu’aux Etats Unis), venus se remplir les yeux des images de plus de 15000 productions annuelles. Le cinéma connaît, 110 ans après le Grand Café, un succès tel que les frères Lumière ne l’auraient pas même imaginé. Il touche toutes les cultures et tous les peuples, avec des chiffres étonnants comme ces 450 films produits par an aux… Philippines (à titre de comparaison Etats Unis 385, France 183), ces cinq milliards annuels de spectateurs indiens contraints de réserver leur place longtemps à l’avance pour avoir une chance de voir un des 620 films nationaux (95% des films projetés). L’homme s’est donc bien vite lassé de voler alors que son intérêt pour les images et les histoires, vraies ou pas, n’a cessé de croître sans marquer le moindre signe d’essoufflement.
Une conclusion bien tentante, presque une évidence, serait de constater la mort imminente des rêves lorsqu’ils deviennent réalités, tout en observant que les réalités peuvent, pourvu qu’on les mette en scène, se métamorphoser en rêves aux attraits inépuisables.
Illustrations : Premiers envols de Lilienthal 1895, La sortie des usines Lumière 1895
Un peu de philosophie cette semaine, en rapport avec l'image tout de même. Que les lecteurs se rassurent, ce type d'article restera exceptionnel.
Nous ne nous intéresserons ici qu’aux deux premiers paradoxes en essayant de les commenter. La vision est donc ce qui permet d’obtenir une base commune nous permettant de communiquer, et en même temps elle est propre à chacun d’entre nous. Là se trouve, selon Merleau-Ponty, le paradoxe : la vision se situerait entre le commun et l’individuel, sans que l’on sache précisément où commence la part de l’un et où finit celle de l’autre. Un exemple : nous avons appris, depuis notre enfance, ce qu’était un château. On peut donc en parler avec les autres et on peut croire qu’il est question de la même chose, mais lorsqu’il s’agit de le dessiner (le dessin n’est en rien un bon exemple d’objectivité), chacun trace des contours différents. Dix peintres devant le même bâtiment donneront dix toiles radicalement différentes, même objectivement cette fois si l’on prend en compte la myopie de l’un, la presbytie de l’autre. Chaque image est personnelle et en même temps commune aux autres, une base pour notre système de langage qui consiste à nommer les choses, les décrire et une perception individuelle pour le couple œil-cerveau qui nous permet d’appréhender notre environnement en y superposant notre sensibilité et notre connaissance.
« Apprendre à voir le monde » selon Merleau-Ponty, ce serait peut-être associer des idées à des impulsions visuelles électriques. Il se trouve que les unes ne vont pas sans les autres. On a l’idée d’un château d’après les impulsions visuelles qu’on a pu recueillir devant le monument. A partir de cette base, le château peut évoquer des milliers de scènes, de souvenirs, de fantasmes différents (paradoxe b). De même on ne conçoit pas la sensation visuelle sans tout l’imaginaire qui l’accompagne parce que nous sommes des êtres pensants, remplis de souvenirs, de rêves et que nous avons, depuis notre tendre enfance, associé les sensations optiques à des pensées.
Il n’y a peut-être pas tant de paradoxes finalement. La vision pourrait être une sensation optique commune (en supposant un même œil) accolée à des idées personnelles qui différent légèrement, pas assez pour qu’on ne sache plus de quoi on parle, mais suffisamment pour affirmer une personnalité individuelle. Ce n’est toutefois qu’une proposition, le débat reste ouvert, bien entendu. Illustration : de haut en bas Marion, Jonas, Sarah